L’art se porte bien
On y va dans un esprit d’éveil et de découverte, se posant chaque fois la question : dans quel sens, sur quel support, sur quel thème a-t-elle travaillé cette fois-ci ? Quelle facette de son univers, de sa recherche, de ses curiosités vat-elle nous faire
Merveilleuse Feryel toujours là pour l’affirmer. Et nous, nous sommes toujours prêts à la croire. Sans grand mérite d’ailleurs au vu des surprises esthétiques que nous réserve, chaque fois et à chaque exposition, cette artiste à l’imagination et à la créativité sans cesse renouvelée. On y va dans un esprit d’éveil et de découverte, se posant chaque fois la question : dans quel sens, sur quel support, sur quel thème a-t-elle travaillé cette foisci ? Quelle facette de son univers, de sa recherche, de ses curiosités va-t-elle nous faire partager ? Sans jamais être déçus, et en réussissant toujours à être surpris, étonnés, et ravis. «L’Art se porte bien» est son credo. Et pour l’affirmer et le confirmer, Feryel s’inscrit dans une filiation, une lignée. Elle convoque, pour la soutenir dans son affirmation, les grands maîtres qui ont structuré son parcours, ceux qui ont façonné son regard, élaboré son talent, défini sa singularité. Dans ce panthéon auquel elle offre droit de partage de ses oeuvres, on reconnaît, pêlemêle, dans une belle fraternité artistique, Rubens, Bosch, Arcimboldo, Vermeer, Picasso, Vélasquez, Fernand Léger, ou encore Botticelli. A tous, elle offre place de choix dans ses «plaquages» ainsi qu’elle aime appeler ses compositions, en fait des éléments de composition de ses personnages, mais leur instille une belle humilité puisqu’elle leur donne comme support… de vieux patrons de vêtements en kraft. Là est l’art de Feryel tout entier résumé : cette façon élégante de ne pas se prendre au sérieux, de jouer avec panache avec les codes, de donner à l’art cette place qu’elle lui offre dans sa vie : l’essentiel mais aussi l’accessoire, le sérieux mais, aussi le jeu, la dévotion mais aussi la démystification. C’est en visitant l’usine de textile d’un ami, en quête de passementeries pour les meubles qu’elle s’amusait à customiser et à réinventer pour une précédente exposition, que Feryel tomba sur un stock de vieux patrons jaunis inutilisés. Le support lui plut, la tradition de rencontre entre la mode et l’art avait été ouverte par les plus grands artistes et avait créé des amalgames féconds. Elle décida de s’y engouffrer, mais différemment, à sa manière. Non pas en utilisant l’art pour la mode comme l’ont fait Saint-Laurent, Castelbajac, Courrèges avec Gauguin, Van Gogh, ou Mondrian, mais en utilisant la mode pour l’art. Et pour soutenir son propos, elle se plaça donc sous la houlette des plus grands artistes du monde qui auraient certainement été fort surpris de se retrouver sur les tee-shirts qu’elle a créés pour la circonstance, collectors d’un évènement arty mode, mais, nous en sommes certains, fort ravis. «L’art se porte bien est le titre d’une exposition où j’aborde le thème du vêtement comme vecteur d’expression. Le monde de la confection et les multiples supports qu’il offre présentent autant de territoires riches de possibles pour peu que les artistes s’en emparent et les prennent en charge» explique-t-elle. «Nourrie par la peinture des autres, de ces autres joyaux de l’Histoire de l’Art, Feryel s’affirme encore une fois dans la réalisation de ses productions, sans résiliation sans détours ni mensonges» , affirme Adélaïde Comby . «L’art se porte bien. Dans le climat d’incertitudes que traverse le monde, il est même furieusement à la mode, comme chaque fois que la société doute d’elle-même ou que le monde affronte des changements inquiétants et en appelle aux vertus immémoriales pour se rassurer…. Sur d’illustres supports déroulant la grande histoire de la peinture, Feryel trace à l’emporte-pièce les têtes si reconnaissables de ses femmes. Le contour des visages délimite les oeuvres, les prend en charge, les contient dans son espace. Coffret de saveurs anciennes, chaque tableau appartient bel et bien à la peinture de l’artiste et ses portraits imposent leur présence au-delà du stratagème, car si la confrontation instaure un dialogue des transparences, le regard de ces femmes d’aujourd’hui semble contempler dans quelque miroir intérieur la grande énigme jamais résolue et sans cesse poursuivie», écrit encore Manuelle Peyrol, mère et premier regard auquel Feryel soumet son travail.