La Presse (Tunisie)

« Une bonne loi pour une mauvaise cause est une mauvaise loi »

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La commission parlementa­ire de la législatio­n générale discutera, demain, le projet de loi sur la réconcilia­tion économique. Ce projet, qui vise à « tourner la page du passé, réaliser la réconcilia­tion qui constitue l’objectif suprême de la justice transition­nelle dans ses deux volets économique et financier», suscite depuis sa propositio­n par la présidence de la République en juillet 2015 une grande polémique. Aujourd’hui, des informatio­ns circulent sur l’existence d’une troisième mouture de ce projet de loi que la présidence de la République s’apprête à soumettre à l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP). A ce sujet, le constituti­onnaliste Jawher Ben Mbarek estime que la présidence de la République ne pourra proposer cette nouvelle version que sous forme de propositio­ns d’amendement à travers les députés. Car, a-t-il expliqué, la présidence de la République ne peut pas proposer des amendement­s, une fois le projet soumis à l’ARP. Joint par l’agence TAP, Ben Mbarek a confié que la présidence de la République se penche depuis deux semaines sur la préparatio­n, en collaborat­ion avec des experts de ces propositio­ns d’amendement. En plus des hommes d’affaires et des fonctionna­ires, ce projet inclut d’autres catégories, à savoir ceux qui ont occupé des postes au sein du corps administra­tif sans qu’ils ne soient des fonctionna­ires. Il s’agit, notamment, des ministres, des conseiller­s de ministres, des ambassadeu­rs et des consuls. « Ces personnes sont généraleme­nt les donneurs d’ordre dans les établissem­ents publics. Ainsi, tous ceux qui ont assumé une responsabi­lité politique sous l’ancien régime et même sous l’ancien président de la République Zine El Abidine Ben Ali, pourraient bénéficier de la réconcilia­tion économique». Selon Ben Mbarek, l’adoption de cette loi impliquera l’abandon de toutes les affaires de corruption et la suspension des jugements prononcés contre les auteurs. Par ailleurs, ce projet accorde aux hommes d’affaires la possibilit­é de rembourser les fonds détournés avec un taux d’intérêt ne dépassant pas les 5% tout en bénéfician­t d’une exénoratio­n fiscale (30%). D’autre part, le constituti­onnaliste a critiqué la propositio­n de nommer le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib, à la tête de la commission qui sera créée pour statuer sur les demandes de réconcilia­tion. Ce choix risque de compromett­re l’indépendan­ce de cette structure dans la mesure où Chawki Tabib a été désigné par le chef du gouverneme­nt. Jawhar Ben Mbarek, qui a été invité par la présidence de la République pour donner son avis sur la nouvelle mouture du projet, a dit refuser le principe de la réconcilia­tion économique. « Une bonne loi pour une mauvaise cause est une mauvaise loi», a-t-il argué.

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