Ancien et nouveau
Retour sur «Les musiques alternatives et la chanson». Le thème a souvent été abordé. Et plus particulièrement à l’occasion des JMC. On laissera de côté les polémiques surgies lors de la récente édition. Plutôt des clashs, des «confrontations partisanes», qui ne répondent pas à la seule question qui interpelle : quelle musique a pleine et entière légitimité aujourd’hui ? La légitimité esthétique, historique, sociologique. Quelle musique justifie vraiment de ces attributs et revendique par la même un statut de projet ? Une réponse, la nôtre : aucune, vraiment. La chanson classique, urbaine, a son histoire (quatorze siècles de«leadership»), son ancrage et sa qualité. En revanche, son impact diminue. Les publics ont changé. Les sonorités, les rythmes et les expressions, aussi. Ce qui s’est forgé à travers l’histoire et le savoir, se dilapide en «mal de réceptivité». A l’autre «bout», les musiques dites alternatives (les rap, les «fusion», les métals, les «blues», les «mixées») raflent, elles, l’essentiel des audiences. Totalisent des records de vues. De l’avis des experts, néanmoins, elles ont encore du mal à remplir des salles de concerts, et, davantage, à imposer des créations. De ce côté comme de l’autre, donc, ancien ou nouveau, il y a faille : un «maillon manquant».Pas un genre ne peut plus incarner, à lui seul, notre culture musicale. Les temps du «ghinaa» unique, hégémonique sont bel et bien révolus. Néanmoins, on s’entête, on se complaît dans le déni. Personne ne reconnaît ses lacunes. Personne ne coopère, ne tend la main. L’exemple des JMC résume tout. Les anciens (les défenseurs du «tarab», les nostalgiques du festival de la chanson) dénoncent les «showcases», les orchestres «rapetissés», «électrifiés», les «sonorités importées», tout ce qui exprime ou représente «le modèle nouveau». Et les nouveaux ménagent à peine la vieille école, son style «galvaudé», son répertoire «ressassé», ses maîtres «passés de mode», ses stars «reléguées aux calendes» : tout ce qui renvoie au «modèle ancien». Il est pourtant clair qu’en l’état actuel des choses, nul ne peut y arriver seul. Des JMC qui rappelleraient au service des «briscards» des années 80 (comme le désire Mokdad Shili) prendraient le risque de se couper de pas moins des deux tiers du public tunisien. Et des «journées musicales» qui poursuivraient avec si peu de moyens et des «showcases » de modeste niveau (invités routeurs et patrons de festivals étrangers dixit) n’auraient pas de chances de réussite, non plus. Mais on préfère généraliser. JMC ou autre, c’est de valeur et d’Art qu’il s’agit. Les millions de jeunes émules et les centaines et centaines de jeunes praticiens de rap, de métal et de fusion ont, sans doute, raison de s’impatienter de «chansons d’hier et de stars d’époque». Mais à la condition, dirait notre bon ami mélomane, d’inventer une musique digne de les remplacer. De bâtir, comme eux l’ont fait, un projet; pas nombreux, encore, ceux qui s’y mettent. On attendra.
De ce côté, comme de l’autre, ancien ou nouveau, il y a faille : un «maillon manquant». Pas un genre ne peut incarner, à lui seul, notre culture musicale. Les temps du «ghinaa» unique, hégémonique sont bel et bien révolus…