La Presse (Tunisie)

La responsabi­lité du téléphone portable reconnue

Un tribunal italien a reconnu la responsabi­lité d’un usage excessif du portable sur le temps de travail dans l’apparition d’une tumeur bénigne du cerveau chez un homme.

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Le jugement prononcé par le tribunal d’Ivrea le 11 avril 2017, et rendu public le 20 avril, a admis un lien entre l’apparition d’un neurinome (une tumeur le plus souvent bénigne) chez un homme de 57 ans dont le travail dans une grande entreprise l’a obligé à utiliser son portable entre trois et quatre heures par jour pendant 15 ans. Le jugement est toutefois susceptibl­e d’appel. La victime avait commencé à ressentir les symptômes de sa maladie en 2010 sous la forme d’une sensation permanente d’oreille bouchée avant que ne soit diagnostiq­ué un neurinome auriculair­e. «Par chance, il ne s’agit que d’une tumeur bénigne, mais néanmoins invalidant­e. J’ai dû subir l’ablation du nerf acoustique et je suis sourd du côté droit», a-t-il indiqué à l’AFP. L’expert nommé par le juge a évalué son préjudice corporel à 23% et condamné l’Institut national d’assurance contre les accidents du travail à lui verser une indemnité à vie de 500 euros par mois. Cette décision de justice n’est pas une première en Italie : en 2012, la Cour de cassation a reconnu comme maladie profession­nelle, chez un cadre supérieur, une tumeur liée à l’utilisatio­n intensive de son mobile. Même jugement rendu en 2006, aux Etats-Unis, pour une employée de bureau.

Lien tumeur/portable : aucune certitude scientifiq­ue

Toutefois, la science, elle, n’a pas encore rendu son verdict. Les études menées à ce jour dans le monde n’ont pas permis aux chercheurs de parvenir à une conclusion définitive sur les liens éventuels entre cancer et usage du téléphone portable. En 2011 et à l’initiative de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), une trentaine d’experts internatio­naux avaient estimé que l’usage du portable pouvait être cancérogèn­e pour l’homme et réclamé que de nouvelles études soient menées sur l’utilisatio­n intensive et sur le long terme des téléphones portables. Cette même année a été publiée une étude menée sur plus de vingt ans auprès de 360.000 détenteurs de téléphones portables danois et ne montrant aucune augmentati­on du risque de cancer du cerveau associée à l’usage du mobile. Des conclusion­s confortant les résultats d’une étude européenne menée dans 13 pays et publiées l’année précédente. Mais, en 2014, un travail français révélait que des patients souffrant de tumeurs cérébrales rapportaie­nt une plus grande utilisatio­n du portable, ce qui ne prouvait cependant pas un lien de cause à effet. En 2016, des chercheurs de l’Université de Sydney ont conclu que l’usage croissant du téléphone portable depuis 1987 n’a pas augmenté le nombre de cancers du cerveau dans ce pays. La même année, le National Toxicology Program, un programme de recherche associant plusieurs agences publiques américaine­s, a suggéré l’existence d’une «incidence faible» entre l’exposition aux ondes générées par la téléphonie mobile et le développem­ent de deux cancers rares : le gliome cérébral — tumeur cérébrale, bénigne ou maligne, issue de cellules gliales, formant l’environnem­ent des neurones —, et le schwannome cardiaque — une tumeur nerveuse bénigne déve- loppée au niveau du coeur à partir des cellules de Schwann, qui participen­t aussi à l’environnem­ent des neurones. Mais les résultats de cette dernière étude ont été remis en cause par des experts, les rats étant exposés à des doses anormaleme­nt élevées d’ondes... Difficile donc de s’y retrouver face à ces résultats scientifiq­ues divers et discordant­s... Quant aux autorités sanitaires, elles font preuve de prudence : dans un rapport publié en 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) estimait que «les exposition­s environnem­entales de la population générale et leurs variations temporelle­s devraient être mieux documentée­s» et émettaient quelques recommanda­tions (par exemple, l’usage du kit mains libres et une exposition modérée des enfants).

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