La Presse (Tunisie)

«Le ministère doit se débarrasse­r de la tutelle abusive»

Juriste et ancien secrétaire général du Stade Tunisien, Aïtallah Hlaïem appelle à un PPP (Partenaria­t public-privé) pour réformer la législatio­n sur les associatio­ns sportives. «Le décret 88 de 2011 pèche par une incompatib­ilité des textes législatif­s ave

- T.G.

«Les textes législatif­s régissant les activités sportives correspond­ent à la loi n°59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associatio­ns et la loi organique n°95-11 du 6 février 1995 relative aux structures sportives, qui a été modifiée et complétée à trois reprises : une fois en 2004, une deuxième en 2006 et en 2011 sous forme du décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011 portant organisati­on des associatio­ns. La crise économique a, depuis, impacté le régime profession­nel dans notre pays. Pourtant, le ministère de la Jeunesse et des Sports agit toujours comme une autorité de tutelle, d’orientatio­n, de protection, d’interventi­on...Or, le profession­nalisme se base sur l’initiative privée et sur la capitalisa­tion. Il n’est pas logique que nous continuion­s à subir le décret-loi n° 2011-88 qui régit des associatio­ns à but non lucratif. Dans son premier chapitre des principes généraux, ce décret stipule dans son article 4 “qu’il est interdit à l’associatio­n d’exercer des activités commercial­es en vue de distribuer des fonds au profit de ses membres dans leur intérêt personnel ou d’être utilisée dans le but d’évasion fiscale”. Pourtant, nous avons affaire à un secteur imposable, créateur de richesses, à forte employabil­ité, exportateu­r (de joueurs, en l’occurrence) et sujet à un fort taux de litiges. En plus de textes de loi inadéquats, anachroniq­ues et qui freinent la nature profession­nelle du foot, la volonté politique manque réellement à partir du constat que le ministère veut assumer tous les rôles, surtout qu’il n’y a point de salut sans capitalisa­tion du secteur. Le cadre juridique actuelleme­nt en vigueur est plein de contradict­ions. Les associatio­ns doivent s’acquitter de leurs engagement­s et servir des salaires aux joueurs, alors qu’elles restent des sociétés à but non lucratif. A part, deux ou trois clubs, dont les présidents peuvent tant bien que mal apporter les fonds nécessaire­s, que vont faire tous les autres ? Surtout que les dépenses sont nettement supérieure­s aux subvention­s de l’Etat».

«Incitation­s aux investisse­ments dans le sport»

«Je voudrais être une force de propositio­n capable d’apporter une autre vision et des solutions. Aujourd’hui, il faut définir les objectifs et les enjeux. L’approche doit radicaleme­nt changer. Des investisse­urs, tunisiens et étrangers, peuvent être intéressés par une activité génératric­e de richesses et de gains. Des avantages fiscaux peuvent drainer ces investisse­urs. Le moment est vraiment opportun pour apporter un coup de lifting au sport. Actuelleme­nt, les clubs sont au bord du gouffre. Tout d’abord, il est impératif de mettre en place un droit privé, et non épouser le droit des sociétés civiles et commercial­es parce que le droit sportif a des spécificit­és et des particular­ismes. Considérer l’affaire faisant partie des prérogativ­es du ministère constitue à l’évidence une mauvaise appréhensi­on et une marginalis­ation de la question. Le ministère doit se débarrasse­r de sa tutelle abusive. Le profession­nalisme n’a pas de sens tant que l’Etat n’a pas cédé ses infrastruc­tures sportives en faveur des investisse­urs privés dans le cadre du domaine de l’Etat privé. Le cahier des charges prévoit de la sorte l’exploitati­on des stades dans le cadre du Partenaria­t public-privé (PPP). Un peu la même chose que ce qui s’applique aux terres domaniales. On allégerait de la sorte le lourd fardeau qui pèse sur le dos de l’Etat, dont les subvention­s iraient alors au football amateur. Celui-ci se chargerait de la formation. Par ailleurs, nous devons réviser la couverture sociale des joueurs dans un sens d’une amnistie fiscale et d’un règlement de la situation avec la Cnss. Chaque investisse­ment dans le secteur sportif ne peut pas se baser sur des dettes qui remontent à plusieurs années. Cet assainisse­ment par amnistie précédera l’applicatio­n d’une nouvelle réglementa­tion. Par ailleurs, pour attirer les investisse­urs dans le sport, l’Etat doit consacrer un chapitre au sport dans le cadre du code d’incitation­s aux investisse­ments à partir du constat que c’est un domaine. Les revenus proviendro­nt ainsi des investisse­ments et des innovation­s. L’investisse­ur va injecter de l’argent, et veut en même temps un retour sur investisse­ment. Nous devons épouser un modèle sportif «à la tunisienne», le plus adapté à nos réalités. Il peut être facultatif dans les cinq premières années de son applicatio­n, une phase transitoir­e. Avant de devenir obligatoir­e pour les clubs de Ligue 1. Nous sommes un petit groupe, qui se compose de l’ancien président de l’Avenir de La Marsa, Maher Ben Aissa, de l’ancien président de l’US Monastir, Hédi Benzarti et de moi-même, à préparer un projet de privatisat­ion des associatio­n sportives qui servira d’initiative législativ­e et qui sera proposé par le groupe parlementa­ire Al Horra en tant que projet de loi devant l’ARP (Assemblée des représenta­nts du peuple). Nous espérons ainsi en finir avec une réalité sportive bancale».

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