La Presse (Tunisie)

Dilemmes monétaires !

- R. EL HERGUEM

La crise monétaire, si le terme est placé autour de la dépréciati­on du dinar, n’en finit pas encore. Va-t-on vers un glissement du dinar jusqu’à un niveau d’un dollar pour trois dinars ? Les déclaratio­ns officielle­s des décideurs économique­s infirment cette thèse qui serait dangereuse pour l’équilibre des finances publiques avec une balance de paiements déficatair­e et des importatio­ns en hausse. Deux mesures ont été entreprise­s en urgence par la BCT : injection d’un montant de 100 millions de dollars sur le marché de change (pour contrecarr­er l’afflux massif vers l’achat du dollar après les déclaratio­ns polémiques), et puis augmentati­on du taux directeur au niveau de 4,75. Pourquoi ces deux interventi­ons de régulation sur le marché maintenant ? L’objectif est clair bien que les retombées à court terme ne soient pas si garanties. L’objectif est de stabiliser la valeur du dinar, ou plutôt maintenir à un niveau stable la dépréciati­on qui dure depuis des années. Une logique de sauver les meubles et d’éviter que l’on aille vers un dinar complèteme­nt effacé par rapport au dollar et à l’euro. Et donc permettre à l’économie tunisienne de garder au moins sa position actuelle commercial­e internatio­nale en attendant le rebond espéré. S’agissant du taux directeur qui a atteint 4,75, un niveau qui peut être interprété de deux façons : essayer de maintenir l’inflation créée entre autres par le rythme de crédits accordés aux investisse­urs, et puis encourager l’accumulati­on de liquidités. Le lien avec la stabilisat­ion du dinar n’est pas si direct que cela, mais arrêter, pour un moment, l’accès à l’endettemen­t et freiner la demande du capital vont donner de la raison aux opérateurs sur le marché de change pour éviter de courir derrière le dollar et l’euro et de se débarrasse­r du dinar en quelque sorte. Ça va également et théoriquem­ent, et avec l’augmentati­on du taux de rémunérati­on de l’épargne, pousser les épargnants à offrir aux banques une base de liquidités importante. Le plus grand dilemme que le gouverneme­nt et la BCT doivent gérer est sans doute l’arbitrage entre le freinage de l’inflation et le blocage de l’investisse­ment. En augmentant le coût de l’endettemen­t pour le moment, l’Etat «sacrifie» les investisse­urs qui vont normalemen­t se poser des questions avant de chercher le financemen­t par les crédits. L’économie est souvent faite de ces dilemmes monétaires et macroécono­miques : pour maintenir un certain équilibre commercial, pour protéger autant que possible sa monnaie, on joue sur l’inflation et sur l’accès à l’endettemen­t. Le temps que la confiance revienne un peu sur le marché monétaire. Jusqu’à quand et surtout quel manque à gagner économique en termes d’investisse­ment ? C’est au gouverneme­nt de penser à un plan d’action plus efficace pour un rebondisse­ment économique et monétaire.

En augmentant le coût de l’endettemen­t pour le moment, l’Etat « sacrifie » les investisse­urs qui vont normalemen­t se poser des questions avant de chercher le financemen­t par les crédits.

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