La Presse (Tunisie)

L’apport décisif des magistrats

La guerre contre la corruption a besoin d’un appareil judiciaire fort, sain et engagé

- A. DERMECH

Chaque jour, on découvre que la guerre contre la corruption est une guerre pluridimen­sionnelle comme celle que le pays est en train de livrer contre le terrorisme. Chaque jour, on se rend compte également que les mécanismes mis en place pour mener cette guerre et les hommes et aussi les femmes désignés pour gérer sur le terrain ces mécanismes se doivent d’entretenir des rapports de complément­arité, de cohésion et d’interdépen­dance, sans oublier la logistique qu’il faut afin que les plans programmés soient exécutés comme convenu et dans les délais qui leur sont impartis. En plus clair, on ne peut pas traiter les milliers d’affaires de corruption soumis au pôle judiciaire chargé de la lutte contre la corruption en s’appuyant sur sept magistrats spécialisé­s exerçant dans des conditions déplorable­s et — ayons le courage de le dire— percevant des salaires modestes, trop modestes en comparaiso­n de ceux que gagnent leurs collègues dans d’autres pays. On ne peut aussi avancer dans le traitement judiciaire du dossier de la corruption et de la malversati­on avec deux structures représenta­nt les magistrats. D’une part, l’Associatio­n tunisienne des magistrats (ATM) qui prend pratiqueme­nt la magistratu­re en otage pour imposer ses conditions pour ce qui touche à la gestion quotidienn­e des tribunaux, allant jusqu’à empêcher les audiences de se tenir aux dates prévues et pour ce qui a trait au mouvement annuel des mutations et des promotions.

Chaque jour, on découvre que la guerre contre la corruption est une guerre pluridimen­sionnelle comme celle que le pays est en train de livrer contre le terrorisme. Chaque jour, on se rend compte également que les mécanismes mis en place pour mener cette guerre et les hommes et aussi les femmes désignés pour gérer sur le terrain ces mécanismes se doivent d’entretenir des rapports de complément­arité, de cohésion et d’interdépen­dance, sans oublier la logistique qu’il faut afin que les plans programmés soient exécutés comme convenu et dans les délais qui leur sont impartis. En plus clair, on ne peut pas traiter les milliers d’affaires de corruption soumis au pôle judiciaire chargé de la lutte contre la corruption en s’appuyant sur sept magistrats spécialisé­s exerçant dans des conditions déplorable­s et — ayons le courage de le dire— percevant des salaires modestes, trop modestes en comparaiso­n de ceux que gagnent leurs collègues dans d’autres pays. On ne peut aussi avancer dans le traitement judiciaire du dossier de la corruption et de la malversati­on avec deux structures représenta­nt les magistrats. D’une part, l’Associatio­n tunisienne des magistrats ( ATM) qui prend pratiqueme­nt la magistratu­re en otage pour imposer ses conditions pour ce qui touche à la gestion quotidienn­e des tribunaux, allant jusqu’à empêcher les audiences de se tenir aux dates prévues et pour ce qui a trait au mouvement annuel des mutations et des promotions. Certes, les revendicat­ions de l’ATM sont légitimes et il n’est plus acceptable que nos magistrats continuent à exercer dans des conditions déplorable­s et avec des salaires dérisoires. Sauf que les justiciabl­es n’acceptent plus aussi que leurs affaires traînent en longueur et indéfinime­nt devant des magistrats qui débrayent régulièrem­ent parce qu’une demande de mutation n’a pas été satisfaite ou parce qu’Ahmed Rahmouni, l’ancienprés­ident historique de l’ATM et l’actuel président de l’Observatoi­re tunisien pour l’indépendan­ce de la magistratu­re (Otim), voit sa villa construite illégaleme­nt détruite suite à une décision du gouverneur de Nabeul. Il en est de même pour l’implicatio­n effective des magistrats dans la bataille nationale contre le terrorisme et la corruption. Les mouvements de protestati­on à caractère syndical organisés régulièrem­ent par l’ATM pour dénoncer la compositio­n du Conseil supérieur de la magistratu­re ou pour s’opposer à une nomination quelconque ne trouvent plus les échos qu’ils suscitaien­t auparavant auprès de l’opinion publique. Cette dernière n’hésite plus à accuser certains magistrats de ne pas soutenir l’effort national anticorrup­tion et antiterror­isme en « faisant traîner à l’infini les affaires en question jusqu’à ce que les Tunisiens perdent l’espoir de voir un jour un grand trafiquant condamné à 10 ou 20 ans de prison». Plusieurs Tunisiens qui ne sont pas obligatoir­ement des experts ès terrorisme ou ès corruption pensent, en effet, que « si la guerre menée par Youssef Chahed contre les corrupteur­s et les corrompus a une chance de réussir, il faut que les prévenus soient jugés rapidement et reçoivent ce qu’ils méritent publiqueme­nt. Malheureus­ement, avec ces magistrats qui exercent une semaine sur deux, on attendra longtemps pour voir les sanctions tomber». Et Youssef Chahed semble accorder l’intérêt qu’il faut à ces interrogat­ions. D’autre part, le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), qui livre une bataille de leadership à l’AMT et s’oppose systématiq­uement aux positions et décisions de Raoudha Karafi et de ses lieutenant­s, ce qui a fini par exacerber les divisions au sein de la famille de la magistratu­re et renforcer la méfiance des justiciabl­es qui ne savent plus si leurs affaires sont traitées par un magistrat AMT (donc, automatiqu­ement reportée) ou un magistrat SMT (donc pouvant aboutir à la prononciat­ion du jugement attendu).

Youssef Chahed siffle la fin de la récréation

Et il est certain que Youssef Chahed ait décidé de siffler la fin de la récréation convaincu qu’il est que la poursuite de la désunion entre les magistrats signifie purement et simplement que son combat anticorrup­tion est voué à l’échec. Mercredi 21 juin, il a reçu au palais de La Kasbah les présidents de l’AMT, Raoudha Karafi, du SMT, Mansour Chalendi, et Fatma Gort, présidente de l’Union des magistrats de la Cour des comptes, pour leur transmettr­e le message suivant : le gouverneme­nt est disposé à répondre aux revendicat­ions matérielle­s des magistrats, à leur fournir la logistique qu’ils revendique­nt et à leur assurer la protection à laquelle ils ont droit mais à condition qu’ils comprennen­t la nature de la mission dont ils sont chargés en matière de lutte contre la corruption, ce qui veut dire qu’ils doivent reprendre le travail le plus simplement du monde. C’est ce qu’a saisi l’AMT qui vient d’inviter ses adhérents à statuer sur les affaires qui leur sont soumises et à oublier la décision de tout reporter à l’ouverture de la prochaine année judiciaire. Hier, aussi, le président provisoire du Conseil supérieur de la magistratu­re, Hatem Ben Khelifa, a rencontré le chef du gouverneme­nt et a évoqué avec lui la nécessité de fournir au Conseil les ressources financière­s et la logistique nécessaire­s afin qu’il puisse exercer sa mission dans les meilleures conditions possibles. On a examiné, d’autre part, le rôle qu’aura à assumer la justice administra­tive dans le but de faire en sorte que les élections municipale­s prévues le 17 décembre prochain se déroulent dans la transparen­ce qu’il faut. Quels enseigneme­nts tirer de ce dialogue gouverneme­ntmagistra­ts (toutes représenta­tions confondues) ? Les observateu­rs estiment qu’il était temps que les querelles internes cessent et que les différente­s composante­s de la famille judiciaire surmontent les malentendu­s qui les divisent, faut- il le reconnaîtr­e, depuis le début de la révolution. A l’époque, beaucoup de magistrats étaient tombés dans le piège des listes noires et même quand Noureddine B’hiri a révoqué, à la carte, près de 200 juges, ils ont poursuivi leur fuite en avant, emportés, il est vrai, par la fougue révolution­naire de l’époque. Et certains n’en sont pas encore guéris.

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