La Presse (Tunisie)

Une nouvelle donne !

Un nouveau pas a été franchi, hier, pour sauver l’économie nationale de l’écroulemen­t. Désormais, l’armée protègera le droit au travail et empêchera l’atteinte à l’ordre public partout, y compris dans les villes

- A.DERMECH

On attendait que le gouverneme­nt réponde aux syndicats des forces de sécurité qui exigent l’accélérati­on de l’adoption par l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) du projet de loi sur la répression des actes de violence à l’encontre des forces de sécurité lors de l’accompliss­ement de leurs fonctions (le projet de loi a suscité une large polémique il y a un an lors de sa discussion en commission, ce qui a poussé l’ARP à le retirer et à le classer dans ses tiroirs). Hier, ce fut un autre projet de décret présidenti­el qui a été annoncé à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité nationale tenue sous la présidence du président Béji Caïd Essebsi. Désormais, les sites de production et les installati­ons vitales seront déclarés zones militaires interdites, donc sous la supervisio­n et la protection de l’armée. En plus clair, les sit-inneurs qui ont pris l’habitude de dresser leurs tentes devant les sociétés pétrolière­s installées dans le Sud et demandant à y être recrutés tout en empêchant ceux qui y travaillen­t d’y accéder ne seront plus autorisés à le faire dans la mesure où ces sociétés seront déclarées zones militaires et les sit-inneurs qui sont des civils n’auront plus la possibilit­é d’y parvenir même s’ils déclarent et jurent qu’ils ne vont pas fermer les vannes ou bloquer les camions transporta­nt le pétrole ou les engrais chimiques. Idem pour les sit-inneurs qui envisagent de programmer un mouvement de protestati­on devant les sièges de la Sonede, de la Steg ou de l’ARP pour faire parvenir aux autorités concernées leurs revendicat­ions. Autrement dit, les termes sites de production et installati­ons vitales, comme indiqué dans le communiqué issu de la réu- nion du Conseil de sécurité nationale, ne signifient pas exclusivem­ent les sites pétroliers concentrés dans le Sud ( Tataouine, Kébili, Ben Guerdane) ou la Compagnie des phosphates de Gafsa et ses sites de production installés à Redeyef, Métlaoui et M’dhilla et prochainem­ent à Sra Ouertane dans la région du Kef. La liste des installati­ons et sites qui seront placés sous la protection de l’armée sera révélée prochainem­ent au public et sera bien longue et diversifié­e puisqu’il s’agit maintenant de savoir quelle est l’installati­on qui peut être considérée comme stratégiqu­e ou vitale et quelle est celle qui n’aura pas droit à ce statut et pourrait être permise pour abriter un sit-in qui pourrait lui aussi durer des semaines ou des mois avant que Noureddine Taboubi, le pompier n°1 du pays, ne soit sollicité par le chef du gouverneme­nt ( hier, il a déclaré sur les ondes de Mosaïque FM que c’est bien Youssef Chahed qui lui a demandé personnell­ement d’aller négocier avec les sitinneurs d’El-Kamour), ou par le gouverneur d’une quelconque région ou par le délégué de Bir Lehfay, à titre d’exemple, pour apaiser la tension née à la suite des actes de violence ayant opposé deux «arouchs» et ayant occasionné la mort d’un jeune et du lieutenant Hajlaoui.

L’armée a-t-elle les moyens d’assurer sa nouvelle mission ?

Pour savoir comment les choses devraient se dérouler pratiqueme­nt sur le terrain, c’est-à-dire dans les régions qui abritent les sociétés pétrolière­s et aussi dans celles où se trouvent les installati­ons dites stratégiqu­es, La Presse a posé la question suivante au Pr Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l’université El Manar : comment vont opérer les forces armées ? « D’abord, précise- t- il, il faut que les sites et les installati­ons concernées soient annoncés à l’avance au public. Il faut installer des poteaux de sécurité visibles pour déterminer où commence et où finit la zone dite militaire. Reste maintenant à savoir comment les soldats vont agir en vue de faire face aux contrevena­nts qui ne respectero­nt pas les poteaux de sécurité et se hasarderon­t dans les zones dites militaires. Jusqu’à la publicatio­n du décret présidenti­el en question, la mission de l’armée nationale consistait à défendre le pays contre les agressions étrangères. Maintenant, nos soldats sont chargés d’une deuxième mission, faire face aux agressions internes. Ainsi, l’armée va-t-elle empiéter sur les attributio­ns des forces de sécurité ? Sauf que la question qui s’impose d’elle-même est de savoir si nos soldats ont la formation nécessaire en matière de constat des crimes, de rédaction des procès-verbaux et de transfert des prévenus auprès du ministère public. Jusqu’à aujourd’hui, ces attributio­ns sont l’affaire de la police judiciaire et sont énoncées clairement dans le code de procédure pénale». Peut-on déceler un lien quelconque entre le projet de décret présidenti­el en question et le mouvement de protestati­on déclenché par les syndicats sécuritair­es appelant à l’accélérati­on de l’adoption de la loi sur la répression de la violence à l’encontre des forces de l’ordre ? Le Pr Abdelli est catégoriqu­e : « L’arsenal juridique existant est largement suffisant et le code pénal datant de 1913 et que certains accusent d’être en retard par rapport à ce qui se passe dans le pays prévoit des sanctions qui n’ont pas été retenues dans la loi antiterror­iste. Pour moi, l’Etat ne doit pas réagir au coup par à coup. On doit appliquer minutieuse­ment et soigneusem­ent les textes existants. Quand le terrorisme a frappé en France et en Angleterre, Paris et Londres n’ont pas adopté de nouvelles lois. Ils se sont contentés d’appliquer celles déjà existantes».

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Réunion hier, sous la présidence du président de la République, du Conseil de sécurité nationale

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