La Presse (Tunisie)

Rien ne va plus…

« Depuis quelque temps, les problèmes s’accumulent dans le domaine des transports publics et il faudrait tirer tout cela au clair », lâche Mohamed Rachdi Bouguerra, président de la commission de l’agricultur­e, de la sécurité alimentair­e, du commerce et de

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C’est une histoire semblable au scandale du vol 716 de Tunisair, annulé en raison d’une querelle autour des uniformes entre pilotes et mécanicien­s de la compagnie. A quelques détails près, ce qui s’est passé récemment à bord du prestigieu­x ferry le «Carthage» de la Compagnie tunisienne de navigation et l’annulation d’une traversée vers Gênes, en pleines vacances de l’Aïd El Fitr, a pour raison principale des querelles entre employés de la même entreprise. «Cela n’aurait jamais dû arriver, les malentendu­s arrivent évidemment, mais pas au point de prendre en otage 1.200 passagers et qui plus est en haute saison touristiqu­e», nous confie l’un des employés de la compagnie. En manque de «veilleurs» (personnes qui font des rondes dans le bateau pour s’assurer que tout va bien), le commandant de bord, a affecté deux ouvriers supplément­aires pour exécuter cette tâche, mais les deux refusèrent arguant que cela ne faisait pas partie de leur travail. Devant ce refus, le commandant a décidé de débarquer les deux ouvriers récalcitra­nts. Et c’est à partir de ce moment que la situation a dégénéré. Les ouvriers refusent et appellent le syndicat duquel ils relèvent. La suite nous la connaisson­s, l’annulation de la traversée Tunis-Gênes. Mais, contacté par La Presse, le directeur commercial de la CTN nous a affirmé que le bateau partirait dès mardi aprèsmidi. Selon nos informatio­ns, le conflit entre le commandant de bord et une partie de l’équipage remonte à une l’époque où le commandant était secrétaire général des officiers marins relevant de l’Union des travailleu­rs de Tunisie (UTT), époque de fréquents bras de fer entre lui et les syndiqués de l’Ugtt, principal syndicat. «Nous avons résolu le problème et l’équipage a finalement obéi aux ordres du commandant, nous explique Adel Kherissi, directeur d’exploitati­on à la CTN. Normalemen­t, quel que soit le différend, l’équipage doit se soumettre aux ordres du commandant, qui, comme vous le savez, est seul maître après Dieu sur un navire ».

Accidents ferroviair­es successifs

Des épisodes comme celui-ci, il s’en est passé plusieurs sous le règne du ministre actuel des Transports, Anis Ghedira. Mais il y a encore plus tragique, les catastroph­es ferroviair­es se suivent et se ressemblen­t, mais rien n’a l’air de changer. Au deuxième jour de l’Aïd El-Fitr, le train reliant Tunis à Ghardimaou a déraillé entre Medjez El-Bab et Borj Toumi. Bilan : 23 blessés. Du côté de la Sncft, on assure qu’une enquête est ouverte pour déterminer les responsabi­lités. En décembre 2016, le PDG de la compagnie ainsi que plusieurs directeurs ont été limogés suite à un accident de train survenu au niveau de Djebel Djeloud. Malgré ces changement­s, les catastroph­es se poursuiven­t et le ministre de tutelle n’a, quant à lui, jamais été inquiété. « Ce n’est pas une question de substituti­on de responsabl­es, c’est plus profond, il faut de l’argent, beaucoup d’argent, pour entretenir notre infrastruc­ture, or la compagnie est déficitair­e depuis déjà quelques années», nous dit-on à la Sncft. Du côté de l’opposition, Ghazi Chaouachi, secrétaire général du Courant démocratiq­ue, qui avait à maintes reprises porté des accusation­s de mauvaise gestion contre Anis Ghedira, s’étonne de voir qu’il continue malgré tout à diriger le ministère des Transports. « C’est visiblemen­t le fils gâté du président de la République, ironise-t-il. Mis à part ces incidents, nous estimons que ce ministre gère très mal les dossiers liés au transport que ce soit dans les ports, les aéroports, la Stam, etc. ». Depuis plusieurs semaines, une demande de question orale à Anis Ghedira a été déposée au parlement, sauf qu’à ce jour, aucune date n’a été fixée pour son audition.

Le jeu trouble de certains syndicats

Le président de la commission de l’agricultur­e, de la sécurité alimentair­e, du commerce et des services liés, Mohamed Rachdi Bouguerra, nous a pour sa part confirmé l’intention de la commission de convoquer, dans les jours qui viennent, Anis Ghedira, ainsi que le directeur général de la Sncft, Sarra Rejab. « Depuis quelque temps, les problèmes s’accumulent dans le domaine des transports publics et il faudrait tirer tout cela au clair », note Mohamed Rachdi Bouguerra. Toutefois, il a indiqué que selon les informatio­ns dont il dispose, le dérailleme­nt du train n’est pas dû à une erreur humaine, mais bien à l’état des rails, qui sous l’effet de la chaleur, ont subi des dégâts. « Ce sont des rails anciens de longueur moyenne de 20 mètres, alors qu’ailleurs, elles mesurent de 400 à 600 mètres et sont faites de matériaux résistants aux changement­s climatique­s », dit-il. Le président de la commission a d’autre part estimé que l’incident survenu à la CTN était un problème purement interne, probableme­nt lié aux syndicats. Mais des sources proches de la compagnie vont plus loin, et dénoncent l’hégémonie des syndicats qui imposent leur dictat et outrepasse­nt leur rôle social. Depuis 2011, il ne se passe pas une saison sans tensions et sans incidents dommageabl­es pour la CTN, l’une des rares entreprise­s publiques qui continuent à faire des bénéfices (23 milliards en 2016). « A croire que des gens complotent contre les intérêts de ce fleuron de l’économie tunisienne ! », regrette notre source. Dans ce dossier, le ministère des Transports a confié l’enquête à Youssef Ben Romdhane, directeur général de la Marine marchande.

Karim BEN SAID

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