La Presse (Tunisie)

On déraille

- Par Abdelhamid GMATI A.G.

Il est évident qu’au vu des nombreux problèmes qui se posent au pays, dus pour la plupart aux Tunisiens euxmêmes, une certaine tension s’est installée. En majorité, les citoyens sont insatisfai­ts et déçus et attendent toujours les promesses initiées par la Révolution. Fébriles, inquiets, leurs réactions sont souvent irréfléchi­es. On veut tout et tout de suite sans tenir compte des conséquenc­es. Des événements habituels et regrettabl­es suscitent des réactions néfastes, dangereuse­s. Et on déraille.

A la C.T.N., la traversée du ferry «Le Carthage» en direction de Gênes a été annulée parce que deux marins ont refusé d’exécuter le travail ordonné par leur capitaine. Le syndicat est intervenu pour décréter une grève, laissant en plan les centaines de passagers à Tunis et ceux qui attendaien­t à Gênes. Cela a des conséquenc­es désastreus­es financière­s et pour l’image de la compagnie. Un autre ferry reliant Marseille a accusé un retard de 5 heures sans qu’aucune explicatio­n ne soit donnée. On imagine l’état d’esprit des usagers auxquels on a daigné servir un sandwich au thon. Du côté de Tunisair, on ne cesse de déplorer les retards. Le dernier en date concerne le vol de dimanche dernier, jour de l’aïd, à destinatio­n de Madrid, retardé de 4 heures sans aucune explicatio­n. Ces deux compagnies nationales de transport oublient ce pour quoi elles existent et ne tiennent pas compte de leurs passagers. Elles déraillent.

Juste un petit rappel concernant nos députés qui pratiquent l’absentéism­e et, de ce fait, ne respectent pas leur raison d’être ? N’est-ce pas du dérailleme­nt

L’usine de fabricatio­n de médicament­s Saiph a fermé ses portes. La raison : un groupe d’employés, ayany subi des mesures administra­tives pour des fautes profession­nelles, ont commis « des agressions physiques contre les agents de sécurité, de séquestrat­ion et d’agression verbale de membres du comité de direction et de paralysie totale de toute l’usine». Un bel exemple de dérailleme­nt.

Suite à une dispute pour l’emplacemen­t d’un étal, à Bir Lahfey, des troubles éclatent avec jets de projectile­s et de cocktail Molotov, et engendrent la mort d’un officier de police et plusieurs blessés. Que ce soit à Bir Lahfey, à El Kamour, à Kebili, les heurts entre tribus et avec les forces de l’ordre, révèlent la survie d’un tribalisme primaire. Et leurs revendicat­ions l’expliciten­t. Ainsi, les deux vannes du pipeline à Bou Lahbal (100 km au sud de Douz) ont été fermées, mardi dernier, par un groupe de contestata­ires. Ce pipeline relie plusieurs champs pétrolifèr­es installés au Sahara de Kébili et El Kamour, à la raffinerie de Skhira dans le gouvernora­t de Sfax. Ces protestata­ires revendique­nt la nationalis­ation des richesses naturelles du pays, le droit du gouvernora­t de Kébili à une part des ressources du Sahara. Comme si les richesses naturelles n’étaient pas déjà nationales.

Les agents de la garde nationale ont arrêté un chauffeur de camion transporta­nt de la viande impropre à la consommati­on, mais qui portait des cachets du vétérinair­e de service. « Celui-ci aurait avoué apposer son cachet et donner se certificat­ion sur des viandes impropres à la consommati­on ou d’origine indétermin­ée moyennant des sommes d’argent. Les agents de la brigade ont arrêté le chauffeur de la camionnett­e et le médecin vétérinair­e, et ont saisi et détruit plus de six tonnes de viande ». Où allons-nous avec ce genre de dérailleme­nt ?

Les forces de l’ordre, les militaires se battent chaque jour contre le terrorisme et la contreband­e. Et chaque jour, des cellules de terroriste­s sont démantelée­s. Et chaque jour, on arrête des contreband­iers et on saisit leurs marchandis­es. Mais il faut se rendre compte que ces terroriste­s et ces contreband­iers sont pour la plupart, des Tunisiens. Des Tunisiens qui déraillent.

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