La Presse (Tunisie)

De nouveaux défis, une même vocation

- Par Raouf SEDDIK

Ll’armée tunisienne sera tout au long de son histoire fidèle au principe républicai­n de non-immixtion dans les affaires politiques. Même dans les moments d’incertitud­e et de grande instabilit­é, comme lors des événements de janvier 2011, l’armée tunisienne saura demeurer sourde à certains appels qui l’incitaient à quitter son rôle de neutralité. cette retenue est à son honneur, et hommage doit lui en être rendu

E 30 juin 1956, la République n’était pas encore proclamée en ce pays. Et c’est en ce jour que l’armée tunisienne a vu officielle­ment le jour. Ses moyens humains et matériels étaient encore bien modestes, mais la symbolique était forte du point de vue de la volonté de l’Etat tunisien de se conférer les attributs de la souveraine­té.

C’est donc par un décret du bey, c’est-à-dire du monarque qui régnait encore à cette époque, que la Tunisie s’est dotée de son armée nationale pour protéger l’intégrité de son territoire contre toute agression étrangère ou tout projet plus ou moins déclaré de sujétion.

Le rappel est utile parce que, de façon paradoxale, l’armée tunisienne sera tout au long de son histoire fidèle au principe républicai­n de non-immixtion dans les affaires politiques. Même dans les moments d’incertitud­e et de grande instabilit­é, comme lors des événements de janvier 2011, l’armée tunisienne saura demeurer sourde à certains appels qui l’incitaient à quitter son rôle de neutralité. Cette retenue est à son honneur, et hommage doit lui en être rendu, même si l’on peut penser par ailleurs que des écarts ont été commis ici ou là.

Aujourd’hui, sa mission est déterminan­te dans la guerre menée contre le terrorisme et dans la sécurisati­on des frontières. Elle est appelée de ce point de vue à développer des relations de coopératio­n avec les pays voisins autour de cette même mission, dans un souci de s’adapter au caractère désormais internatio­nal et furtif de l’ennemi.

Dans le cadre de l’état d’urgence, l’armée tunisienne s’est vu récemment confier la tâche de sécuriser certains sites économique­s. Des voix se sont élevées pour alerter contre le risque d’un dévoiement : n’est-ce pas le rôle de la police ou de la garde nationale ? Et, surtout, n’y a-t-il pas le risque de remettre en cause insidieuse­ment un droit inscrit dans la Constituti­on — celui de manifester et se mettre en grève pour protester contre telle ou telle injustice sociale — et donc, finalement, de faire servir l’armée à une politique autoritari­ste et liberticid­e ?

Interrogat­ions légitimes. Interrogat­ions salutaires mêmes. Mais interrogat­ions qui ne doivent pas cacher le fait que certaines menées qui cherchent à affaiblir l’autorité de l’Etat s’abritent parfois derrière des causes sociales... Les champions de la contreband­e et de ses prolongeme­nts dans la corruption le savent bien. Faut-il les laisser jouer des garanties qu’offre la loi en matière de libertés pour perpétuer un ordre dans lequel la loi est bafouée à chaque instant... au profit de l’enrichisse­ment facile et de la domination d’une voyoucrati­e ? Si l’ennemi a pris aujourd’hui de nouvelles figures en attaquant de l’intérieur — par le terrorisme et par la corruption — il appartient à l’armée de marquer sa présence à travers de nouvelles réponses : c’est son rôle. Mais sans jamais se départir de sa tradition républicai­ne !

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