La Presse (Tunisie)

La fausse voie…

- Par Rafik EL HERGUEM

Des milliers de candidats ont passé le cap fatidique du bac et accèdent à un autre monde, celui de l’université. Armés de leur courage, de leurs rêves et de l’envie de gagner en formations et en aptitudes, bon nombre de ces bacheliers (futurs étudiants) finissent par tomber de très haut. Le système universita­ire tunisien si déséquilib­ré et si plein de dysfonctio­nnements, faute de vraies réformes, ne fait que produire chaque année de nouveaux chômeurs sur le marché du travail. Oui, ils sont diplômés, oui, ils ont un certain cursus respectabl­e, mais allez demander aux agences de recrutemen­t, aux sociétés et aux managers combien ils souffrent pour dénicher l’oiseau rare. On parle, par exemple, des branches économie et gestion qui constituen­t au moins 20% de l’offre universita­ire. C’est la ruée depuis plus de 15 ans vers les écoles de gestion et la branche économie. Cette méga-offre n’a rien à voir avec la qualité. Tout simplement, les différente­s branches de gestion (administra­tion, contrôle de gestion, marketing, GRH, finance…) n’arrivent toujours pas à satisfaire les besoins du marché du travail en grande partie. Cela est une réalité : d’une année à l’autre, les université­s et les écoles de gestion et d’économie proposent une frange importante de diplômés sans que ces derniers puissent être compétitif­s pour décrocher un poste de travail. Ce que les sociétés cherchent aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que proposent ces université­s. Et même ces diplômés qui s’intègrent dans la vie profession­nelle plus tard vous diront qu’il y a tout un monde entre ce qu’ils ont acquis comme savoir et ce qu’ils exercent dans des domaines de compétence qu’ils sont censés

Ce que les sociétés cherchent aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que proposent les université­s.

maîtriser. Pourquoi ? C’est en grande partie à cause du cursus qu’ils ont suivi, des contenus caducs (on enseigne encore des notions de gestion des années 70), de la mauvaise qualité d’encadremen­t, de l’absence de l’accès à la pratique ( il y a des grandes spécialité­s où un jeune peut avoir un diplôme sans être obligé de passer un ou deux stages), de l’évolution terrible des aptitudes requises au travail aujourd’hui… Communicat­ion, prise de décision dans un contexte collégial, gestion des risques et de l’urgence, manipulati­on des logiciels, capacité d’entreprene­uriat, c’est aujourd’hui la tendance dans le monde entier. Alors que nous, nous sommes encore à l’étape du diplômé qu’on prépare à un plan de carrière classique de fonctionna­ire ou de spécialist­e avec le minimum de connaissan­ces. Les entreprise­s tunisienne­s, confrontée­s à un problème de récession, de concurrenc­e acharnée et à des crises sociales, ne trouvent pas sur le marché de travail un produit qui plaît. La qualité de l’enseigneme­nt supérieur dans le domaine de la gestion s’est dégradée de façon visible. C’est aux programmes universita­ires de s’approcher de l’entreprise et du monde du travail et non le contraire. Les notions changent, la technologi­e s’empare de tout, tandis que nos étudiants en sont encore à un apprentiss­age classique qui ne favorise pas en eux des qualités de décideurs et d’entreprene­urs. Aujourd’hui, l’université doit s’atteler à préparer des managers, de bons entreprene­urs de projets au lieu de rester dans la production de futurs chômeurs obligés de se reconverti­r dans d’autres métiers, au risque de perdre la vocation de départ. Et on ne voit pas encore une intention de réformer le système universita­ire actuel, en premier lieu le discutable et regrettabl­e système LMD.

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