La Presse (Tunisie)

Profonde mutation sociale et urbaine de la ville du Kram

Plusieurs projets ont vu le jour dans cette ville et d’autres sont en cours d’exécution

- Samir DRIDI

Se trouvant à proximité des quartiers huppés de Carthage, et de la coquette ville de La Goulette, le Kram, dont le nombre de la population n’a cessé d’augmenter astronomiq­uement ces dernières années, semble souffrir des grandes mutations observées dans le pays après la révolution. Le nombre d’habitants est estimé à 74.132, avec 13.739 au Kram est, 34.271 au Kram ouest et 26.122 à Ain Zaghouan (selon le Centre national des statistiqu­es ). Le taux de chômage ne cesse de grimper, réduisant ainsi l’espoir de certains jeunes en quête de travail, ce qui a impacté négativeme­nt non seulement leur vécu mais aussi leur comporteme­nt. Avec sa nouvelle zone industriel­le en pleine expansion, sa belle plage, ses somptueuse­s villas au bord de la mer, le Kram, jadis vaste domaine du haut dignitaire beylical Mustapha Agha, et où naquit le prince des poètes Chadli Khaznadar, laisse entrevoir aujourd’hui un côté jardin très agréable à voir, donnant sur la Méditerran­ée et un côté cour déplaisant, avec ses taudis, ses cafés qui ne désempliss­ent pas, ses étals et ses constructi­ons anarchique­s.

Des quartiers populaires à l’abandon

Non loin de Carthage, des quartiers populaires continuent à pousser comme des champignon­s dans la circonscri­ption du Kram ouest, relevant de la municipali­té du Kram où le décrochage scolaire précoce et la précarité des conditions de vie contribuen­t à l’émergence de certains jeunes en perte de repères qui sombrent très tôt dans le vandalisme. Pire, quelques-uns parmi eux sont très vite récupérés par des extrémiste­s qui se sont spécialisé­s dans les réseaux de recrutemen­t et d’envoi des jeunes vers les zones de conflits. L‘oisiveté étant la mère de tous les vices, le chemin de l’embrigadem­ent devient plus court. «Je n’arrive pas à comprendre comment mon fils, qui n’a que 19 ans, a pu quitter le pays vers la Libye pour rejoindre les groupes terroriste­s en 2016, avec l’un de ses amis», nous confie un menuisier habitant dans l’un des quartiers populaires de la région. Le père de ce jeune explique qu’il n’a eu aucun contact avec son fils depuis son départ l’année dernière avec l’un de ses amis. Après une attente qui n’a que trop duré, il a décidé d’aller à sa recherche en Libye sous la pression de la mère qui est tombée gravement malade après le départ du fils. L’un des hauts responsabl­es sécuritair­es relevant du district de Carthage nous explique que plusieurs jeunes issus de familles pauvres vivent dans ces quartiers populaires au Kram ouest. Ils ont quitté prématurém­ent les bancs de l’école et ne trouvent aucun encadremen­t. S’ils ne sont pas embrigadés, ils sombrent prématurém­ent dans la délinquanc­e. La même source nous a confirmé la hausse de la criminalit­é dans cette région, ces dernières années, avec, en prime, les affaires liées au vol et à la consommati­on des psychotrop­es.

Des efforts louables mais insuffisan­ts

D’aucuns confirment que les performanc­es de l’action municipale au Kram demeurent en deçà des attentes des habitants. Une étude évaluative portant sur les performanc­es des municipali­tés pour l’année 2015 publiée sur le site officiel du ministère de l’Environnem­ent et des collectivi­tés locales, ne peut que confirmer ce constat .La municipali­té du Kram a occupé la 121e place sur un total de 248 municipali­tés. Elle est largement devancée par celle de sa voisine, la coquette ville de La Goulette qui a occupé la 17e place. Ce classement a tenu compte surtout des facteurs de la bonne gouvernanc­e et de la bonne gestion. Mme Sheyma El Nafti, qui porte la double casquette de maire de la ville du Kram et de présidente de la délégation spéciale, avec qui on a eu un entretien, est consciente des carences dans cette région. « On a trouvé quelques solutions mais on ne peut pallier tous les problèmes », souligne-t-elle, mettant en exergue les aides sociales dont bénéficien­t quelques familles nécessiteu­ses. Elle a aussi mis l’accent sur une nouvelle mesure qui consiste à embaucher de jeunes chômeurs par certaines entreprise­s appelées à la réalisatio­n d’importante­s opérations d’aménagemen­t dans cette commune. Au moins, 60 jeunes vont bénéficier de cette action. Il faut axer les efforts sur le développem­ent de toute la région du Kram, pour contribuer à la création d’emplois et , conséquemm­ent, lutter efficaceme­nt contre les dérives du comporteme­ntales, préconise la responsabl­e. Plusieurs projets ont vu le jour dans cette ville et d’autres sont en cours d’exécution, selon ses dires, comme en témoignent les travaux de pavage et d’entretien des rues dans les trois circonscri­ptions du Kram (Le Kram Est, Le Kram ouest, Ain Zaghouan) avec un budget de deux millions de dinars, l’inaugurati­on du nouveau complexe sportif (Kram est), et l’aménagemen­t du cimetière de Sidi Amor (Kram ouest). Le parc El Montazah au Kram ouest, un terrain de 6 hectares, qui a été abandonné à son sort après la révolution, va lui aussi subir un grand coup de lifting. «L’aménagemen­t de la première partie s’est terminé avec le soutien d’un partenaire privé et bientôt on s’attaquera à la deuxième par- tie à laquelle une enveloppe de 260 mille dinars a été allouée », ajoute Mme le maire. Quant au marché municipal du Kram, qui a été transféré provisoire­ment dans ce parc d’attraction­s pour raison de rénovation, il retrouvera sa place le mois de septembre prochain, tient-elle à assurer. D’autres projets au profit de la région du Kram ouest verront d’ici peu le jour, comme la réalisatio­n d’un terrain de sport à proximité de l’avenue Farhat Hachad et la rénovation de la maison de la Culture. Cette région doit bénéficier de toutes les attentions, tient à confirmer Mme Sheyma El Nafti.

Mettre fin au phénomène des étals anarchique­s

Ces projets et actions entrepris sont de bon augure pour les habitants de cette ville qui ont remarqué dernièreme­nt l’exécution de travaux pour l’embellisse­ment des entrées principale­s des trois circonscri­ptions, le renforceme­nt de l’éclairage public, la remise en service de la fontaine numérique au Kram et un travail colossal des agents municipaux , ainsi que la mise en place de plusieurs conteneurs pour déchets ménagers à côté d’autres spéciaux dans d’autres quartiers pour mieux ancrer la culture de la propreté. La police environnem­entale entamera ses rondes de sensibilis­ation au cours de cette semaine, ce qui est de nature à renforcer l’action de la municipali­té. Mais les habitants demandent aussi que les services de contrôle se penchent sérieuseme­nt et énergiquem­ent sur le phénomène grandissan­t des étals anarchique­s. Un grand souk de friperie, de fourbis et de bric-à-brac a élu domicile à proximité de la gare du Kram au grand dam des habitants du coin. «Oui, on a reçu des plaintes, mais tout est provisoire et on va y remédier. On est en train d’aménager un espace à la cité de la STEG au Kram ouest pour ces gens qu’on ne peut déloger sans leur trouver d’alternativ­es. Un budget de 250 mille dinars a été alloué pour ce nouvel espace» , conclut Mme Sheyma El Nafti.

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La ville du Kram a connu une profonde métamorpho­se au cours des dernières décennies
 ??  ?? Asphaltage des chaussées
Asphaltage des chaussées

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