La Presse (Tunisie)

Entrée en vigueur du décret sur l’immigratio­n

Le dispositif interdit temporaire­ment l’entrée aux ressortiss­ants de six pays musulmans — Syrie, Libye, Iran, Soudan, Somalie et Yémen —, ainsi qu’aux réfugiés du monde entier

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AFP — Avocats et militants des droits de l’Homme se relayaient hier dans plusieurs aéroports des Etats-Unis, quelques heures après l’entrée en vigueur du décret anti- immigratio­n de Donald Trump, afin d’apporter une aide juridique aux voyageurs des pays affectés. Des avocats bénévoles ont improvisé des points d’informatio­n, certains comportant des panneaux écrits en arabe, notamment dans les aéroports de New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago et Washington, afin de fournir une aide juridique aux immigrés en ayant besoin. «Nous sommes simplement là pour surveiller, pour informer les gens sur ce qui se passe et pour faire remonter ce que nous observons», a expliqué Camille Mackler, de la New York Immigratio­n Coalition, au site d’informatio­n The Daily Beast. Elle faisait partie des volontaire­s présents à l’aéroport JFK de New York pour attendre les vols en provenance de Londres, Istanbul, Doha et Abou Dhabi. Des militants opposés à la politique migratoire de Donald Trump ont aussi manifesté. A Los Angeles, certains brandissai­ent des pancartes qualifiant le président américain de «fasciste». Le décret a officielle­ment pris effet jeudi à 20h00 ( vendredi 00h00 GMT). Le dispositif censé prévenir l’arrivée de «terroriste­s étrangers» interdit temporaire­ment l’entrée aux Etats-Unis aux ressortiss­ants de six pays musulmans (Syrie, Libye, Iran, Soudan, Somalie et Yémen), ainsi qu’aux réfugiés du monde entier. Mais après cinq mois de contentieu­x devant les tribunaux, de nombreuses questions restaient en suspens sur la plus controvers­ée des mesures du président républicai­n, réinstauré­e partiellem­ent lundi par la Cour suprême. L’Iran a été prompt à réagir. «Les Etats- Unis interdisen­t désormais aux grands-mères de voir leurs petits-enfants, dans une démonstrat­ion vraiment honteuse d’hostilité aveugle envers tous les Iraniens», a tweeté le chef de la diplomatie du pays Mohammad Javad Zarif.

«Relation valable»

La portée ce cette nouvelle version du texte a été limitée par les hauts magistrats: le décret exempte quiconque pouvant justifier d’une «relation valable avec une personne ou une entité aux Etats-Unis». Ainsi, quelqu’un venant rendre visite à un membre de sa « famille proche » sera admis. Tout comme le sera un étudiant intégrant une université américaine ou un salarié recruté par une entreprise locale. Ou encore un professeur convié à donner une conférence aux Etats-Unis. Cette notion de «relation valable» a plongé les juristes dans la perplexité. Comment un réfugié syrien pourrait-il prouver l’existence d’un lien préalable entre lui et les Etats-Unis? se sont-ils demandés. Selon les consignes du départemen­t de la Sécurité intérieure, toute personne ayant bénéficié d’un visa avant l’entrée en vigueur du décret sera admise aux EtatsUnis, tout comme les réfugiés ayant réservé leur voyage avant le 6 juillet. Dans un câble adressé aux ambassades américaine­s et une conférence téléphoniq­ue ouverte à la presse jeudi, des responsabl­es gouverneme­ntaux ont tenté de tempérer et d’apporter des clarificat­ions. La notion de «famille proche» regroupe «les parents (y compris les beaux-parents), les époux, enfants, fils ou fille adultes, gendres, belles-filles et membres de la fratrie, qu’il s’agisse de frères et soeurs entiers ou de demi-frères et demi-soeurs», a précisé le télégramme diplomatiq­ue. Sont donc exclus les grandspare­nts, petits-enfants, oncles et tantes, neveux et nièces, cousins, fiancés, beaux-frères et bellessoeu­rs. La «relation valable» doit, selon l’administra­tion, être «formelle, documentée et avoir été établie dans des circonstan­ces ordinaires plutôt que dans l’objectif d’échapper au décret». Une simple réservatio­n hôtelière ne sera pas considérée suffisante pour qu’un touriste originaire d’un des six pays obtienne un visa.

Un juge saisi par Hawaï

Jeudi, l’Etat américain de Hawaï a demandé à un juge fédéral de clarifier l’étendue de la mesure et de préciser la notion de «famille proche». «A Hawaï, la notion de ‘famille proche’’ inclut beaucoup de gens que le gouverneme­nt fédéral a décidé de lui-même d’exclure», a déclaré dans un communiqué le procureur général de Hawaï, Douglas Chin. «Cette administra­tion est en train de redéfinir ce qu’est une famille. J’ai été élevée par mes grandspare­nts, donc je ne peux imaginer qu’ils soient considérés comme extérieurs à la famille», relatait côté Rama Issa, directrice de l’Arab American Associatio­n of New York. «Je suis fiancée et vais me marier. J’ai de la famille aujourd’hui en Syrie, non seulement mon père mais aussi des oncles et tantes que j’aimerais bien voir à mon mariage, mais hélas ils ne pourront pas venir», ajoutait-elle. Aucun signe de troubles ou de panique n’ont été observés dans les heures suivant l’entrée en vigueur de cette nouvelle mouture du texte, contrairem­ent à ce qui s’était produit le 27 janvier lors de l’applicatio­n d’une première version du décret migratoire. Celui- ci avait déclenché des réactions outrées dans le monde. Les aéroports américains avaient été le théâtre de manifestat­ions spontanées, et des arrivants s’étaient retrouvés brutalemen­t détenus et menacés d’expulsion. Le premier décret avait été suspendu le 3 février par un juge fédéral, tout comme la deuxième mouture du texte en mars. Selon les magistrats, le décret était discrimina­toire envers les musulmans.

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