Simone Veil : mort d’une battante
Déportée dans sa jeunesse dans les camps nazis, elle sera pourtant parmi les grands artisans du rapprochement franco-allemand dès la fin des années 70
AFP — L’Europe aura été l’une des grandes causes de la vie politique de Simone Veil, un combat pour la paix sur le continent nourri par son histoire de déportée et son travail en faveur de la mémoire de la Shoah. «Au sortir de la guerre, nous (Ndlr: son mari et elle) avions la conviction qu’il fallait se réconcilier absolument avec les Allemands et que si nous ne le faisions pas, il y aurait une troisième guerre mondiale», confiait Simone Veil en 2008 dans une interview télévisée. En 1946, au moment où elle rencontre Antoine Veil, Simone Jacob revient tout juste de déportation. Dans les camps, elle a perdu son père, sa mère et son frère. Ce drame et la volonté de Simone Veil de le dépasser la conduiront un peu plus de 30 ans plus tard à renforcer son engagement européen et accepter la proposition que lui fait le président Valéry Giscard d’Estaing de devenir tête de liste de l’UDF (libéraux et centristes) pour les premières élections au suffrage universel du Parlement européen. «Compte tenu de ce que je représentais, il voyait dans ma candidature un symbole de la réunification franco-allemande et la meilleure manière de tourner définitivement la page des guerres mondiales», racontera-t-elle dans son autobiographie «Une vie». En juin 1979, sa liste arrive première, loin devant celle du Parti socialiste et plus de dix points au-dessus de la liste gaulliste. Simone Veil est désignée comme la candidate du groupe libéral à la présidence du Parlement. Elle sera choisie, au troisième tour du scrutin, lors de la première séance de cette Assemblée désormais démocratiquement élue. «La situation de paix qui a prévalu en Europe (depuis 1945, ndlr) constitue un bien exceptionnel mais aucun de nous ne saurait sous-estimer sa fragilité», relève-t-elle, dans son premier discours de présidente.
«Réconciliée avec le XXe siècle»
A l’issue de son mandat, en janvier 1982, elle ne renouvelle pas sa candidature mais n’abandonne pas pour autant le combat européen. Pendant treize ans, elle occupera diverses fonctions, comme la présidence de la commission juridique du Parlement de Strasbourg ou la présidence du groupe libéral.
«Le fait d’avoir fait l’Europe m’a réconciliée avec le XXe siècle», assurait cette pionnière qui ne cachait pas être restée profondément marquée par la déportation. «Soixante ans plus tard, je suis toujours hantée par les images, les odeurs, les cris, l’humiliation, les coups et le ciel plombé par la fumée des crématoires», racontaitelle dans un entretien télévisé diffusé à l’occasion du 60e anniversaire de la libération des camps. En 2000, après ses années d’engagement politique, Mme Veil avait été désignée par le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, pour présider la Fondation pour la mémoire de la Shoah tout juste créée. «Comme tous mes camarades, je considère comme un devoir d’expliquer inlassablement aux jeunes générations, aux opinions publiques et aux responsables politiques comment sont morts six millions de femmes et d’hommes dont un million et demi d’enfants, simplement parce qu’ils étaient nés juifs», expliquait-elle devant l’Assemblée générale de l’ONU en 2007. Arrêtée par la Gestapo à Nice, le 30 mars 1944 alors qu’elle venait juste de passer son bac, elle avait été déportée en compagnie de sa soeur Milou (Madeleine) et de sa mère, Yvonne Jacob, d’abord à Drancy puis à Auschwitz. Elle n’avait appris que plus tard que son autre soeur, Denise, avait ellemême été déportée en tant que résistante à Ravensbrück. Son père et son frère Jean disparaîtront dans la tourmente, en Lituanie, sans que l’on en connaisse les circonstances exactes. Jeunes et robustes, Simone Veil et sa soeur Milou ne devront leur survie qu’au fait d’avoir été employées pour les usines Siemens à Bobrek, un sous-camp du complexe d’Auschwitz-Birkenau. Devant l’avancée des troupes soviétiques, en janvier 1945, elles seront évacuées vers Bergen-Belsen. C’est là qu’Yvonne Jacob, épuisée et atteinte du typhus, décèdera, le 15 mars, un mois à peine avant la libération de ce camp par les Anglais. «Pour les anciens déportés que nous sommes, il n’y a pas de jours où nous ne pensions à la Shoah», confiait Mme Veil.