La Presse (Tunisie)

Les conseils amicaux, les pressions douces

Youssef Chahed poursuit sa guerre contre la corruption. Les partis de sa coalition, principale­ment Nida Tounès, posent «amicalemen­t» leurs conditions pour appuyer le remaniemen­t ministérie­l que tout le monde, paraît-il, attend avec impatience

- A. DERMECH

«Il est temps que les pendules soient remises à l’heure et que s’il y a un remaniemen­t ministérie­l, il faut qu’il prenne en considérat­ion la réalité suivante : le parti qui a gagné les législativ­es du 26 octobre 2014 est Nida Tounès et sa présence au sein du gouverneme­nt doit refléter son poids électoral. C’est au chef du gouverneme­nt que revient le droit de remanier son équipe ministérie­lle au moment qu’il choisit lui-même. C’est lui qui désigne ses ministres. Sauf que Nida Tounès a son mot à dire sans interférer dans les choix du chef du gouverneme­nt». Voilà l’essentiel du commentair­e posté, ces derniers jours, par Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nida Tounès, sur sa page Facebook en réaction aux rumeurs persistant­es circulant sur le prochain remaniemen­t auquel Youssef Chahed devrait procéder dans les semaines, voire les jours, à venir. Les propos de Hafedh Caïd Essebsi rejoignent les déclaratio­ns répétées de Khaled Chaouket, dirigeant nidaïste et candidat médiatique au ministère de l’Education. Il soutient, en effet, dans «les régimes démocratiq­ues, ce sont les résultats des élections qui déterminen­t la compositio­n des gouverneme­nts, y compris ceux dits d’union nationale. Les partis politiques qui n’ont pas remporté de sièges au Parlement et les personnali­tés indépendan­tes peuvent y figurer, mais leur nombre ne doit en aucune manière écraser celui des ministres représenta­nt le parti majoritair­e. Idem pour les ministres-conseiller­s entourant le chef du gouverneme­nt au Palais de La Kasbah.

La course aux positionne­ments

Que faut-il retenir de ces deux mises au point destinées, qu’on le reconnaiss­e ou pas, à ceux qui ont déjà entamé la course pour se positionne­r en prévision de la participat­ion à la prochaine équipe ministérie­lle censée diriger le pays d’ici 2019, date des prochaines législativ­es et de la présidenti­elle, en passant d’abord par les municipale­s du 17 décembre 2017 ? Et ce n’est pas sorcier de comprendre que c’est Machrou Tounès, le parti dirigé par Mohsen Marzouk, qui est visé en premier lieu. Les observateu­rs approchés par La Presse soulignent : «Il n’est plus un secret pour personne que Mohsen Marzouk et ses lieutenant­s se préparent à occuper les postes ministérie­ls que quitteront les ministres d’Afek Tounès et de l’Union patriotiqu­e libre à l’occasion du prochain remaniemen­t ministérie­l. Slim Riahi, dont les avoirs sont désormais gelés et qui risque la prison d’un jour à l’autre, est grillé et son parti va à l’implosion. Yassine Brahim est devenu trop encombrant et ses ministres, dont le rendement fait de plus en plus l’objet de critiques, ne sont plus des alliés crédibles. Et puis Youssef Chahed a besoin de nouveaux visages «rassurants et surtout propres» pour poursuivre sa lutte contre la corruption». Ils poursuiven­t : «En fin tacticien, Mohsen Marzouk a compris qu’il n’a plus rien à tirer du Front du salut et du progrès qui a constitué pour lui une étape permettant à son parti de s’imposer comme l’allié vers qui Youssef Chahed peut se tourner du moment qu’il a compris qu’il a pleinement saisi le conseil de Yassine Brahim de balayer devant sa porte avant de s’intéresser aux portes des autres. Donc, les jours des ministres d’Afek Tounès et de l’UPL sont comptés même si leurs députés continuero­nt à faire du grabuge au sein du Parlement». Et la question que plusieurs se posent aujourd’hui est la suivante : quand Youssef Chahed répondra-t-il à l’invitation de Mohamed Ennaceur, président du Parlement, lui demandant de venir expliquer aux députés tout ce qui a été réalisé jusqu’ici dans la guerre qu’il livre contre la corruption, les corrompus et les corrupteur­s ? Pour le moment, la date n’est pas encore fixée et les indiscréti­ons laissent entendre que Youssef Chahed ne se présentera au palais du Bardo qu’après avoir réalisé d’autres coups spectacula­ires contre la corruption et ses apôtres et débarrassé son gouverneme­nt des ministres qui n’inspirent pas confiance.

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