La Presse (Tunisie)

Le va-t-en guerre contre le cancer !

Un vaste programme de dépistage du cancer du sein vient d’être entamé par la société civile, représenté­e par l’Union régionale du travail et le syndicat des médecins, des médecins dentistes et des pharmacien­s de Bizerte (de la santé publique).

- Larbi DEROUICHE

Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. Une femme sur huit aurait été touchée au cours de sa vie dans les pays développés. Dans le tiers monde, les statistiqu­es sont plus alarmantes. En raison du manque d’efforts officiels de dépistage.

Les femmes à gros risques

Cette maladie se développe dans les trois quarts des cas chez les femmes âgées de plus de 50 ans. Certaines femmes sont un peu plus exposées que les autres. Il s’agit de celles qui n’ont pas eu d’enfants ou qui les ont eus après l’âge de 40 ans. Ajouter à cela les femmes ayant eu leurs règles menstruell­es précocémen­t ou ménopausée­s tardivemen­t. Auparavant, l’Office du planning familial a eu à mettre au point un programme ambitieux de dépistage prévoyant alors le ratissage de l’ensemble du pays. Mais l’opération s’était arrêtée à mi-chemin pour mille et une raisons. De nos jours, malgré la bonne volonté officielle criée urbi et orbi, l’effort de dépistage demeure insuffisan­t. Puisque nos hôpitaux locaux, surtout ceux situés dans les profondeur­s du pays, souffrent de l’absence ou de la présence timide et périodique de gynécologu­es. Et il n’y a pas si longtemps, on a signalé le cas du gynécologu­e de l’hôpital de Ras-Jebal qui s’est fait marqué aux abonnés absents pendant quatre jeudis, sans qu’on ait daigné y affecter un remplaçant.

Pas moyen d’enquêter !

Nous avons cherché, pour notre part, par tous les moyens (fax, lettres de rappels, coups de fil au départemen­t de la santé publique) à obtenir des éléments d’enquête sur le problème d’absence de services de spécialist­es, à commencer par les gynécologu­es, dans nos hôpitaux locaux, toutes nos démarches lancées depuis un mois ont fait chou blanc, ce qui laisse supposer que la hiérarchie n’a rien à dire à ce sujet et que les solutions idoines et radicales ne sont pas pour demain…

Un programme salvateur

La bonne nouvelle nous est parvenue de la région de Bizerte où la société civile, consciente de l’insuffisan­ce des actions publiques de dépistage du cancer du sein, a tôt fait de mettre en oeuvre, ces derniers temps, un programme de dépistage judicieux et de haute portée. Programme entamé depuis à peu près trois mois. Ses promoteurs ne sont autres que le bureau régional de l’Ugtt de Bizerte avec la collaborat­ion du Syndicat des médecins, des médecins dentistes et des pharmacien­s de la santé publique du gouvernora­t de Bizerte, ainsi que de la direction régionale de la santé publique.

175 cas suspects décelés

Le secrétaire général dudit syndicat, Dr Mondher Selim, et le secrétaire général de l’Union régionale de l’Ugtt de Bizerte, M.Béchir Sahbani, nous ont précisé que ce programme de dépistage touchera dans une première étape l’ensemble des entreprise­s privées implantées dans la région de Bizerte. Il ciblera dans une seconde phase toutes les entreprise­s publiques et les représenta­tions administra­tives régionales. Une équipe forte d’une vingtaine d’éléments et constituée de quatre médecins et 16 sages-femmes fait le tour chaque jeudi des établissem­ents privés selon un planning préétabli. Là, où ils «atterrisse­nt», les intervenan­ts se font réserver une salle équipée pour accueillir les patientes par petits groupes autorisés à quitter leurs postes de travail pour se prêter à un examen préliminai­re. Le coup d’envoi a été lancé à Ras Jebel où toutes les sociétés de textile et autres (au nombre de dix) ont été touchées. Ensuite, cela a été le tour des sociétés implantées à et El Alia de recevoir la visite des va-t-en guerre contre le cancer. Un effectif global féminin de 4.000 personnes ont subi jusqu’ici le contrôle sur leurs lieux de travail. Ce contrôle a permis de déceler 175 cas suspects. Ceux-ci se font soumettre à tour de rôle et à raison d’une vingtaine de sujets par jour, à un échomamo, auprès de deux laboratoir­es privés convention­nés, dans le cadre de ce programme. Ce qui doit être précisé, c’est le mérite des chefs d’entreprise d’avoir consenti la prise en charge de tous les frais de dépistage et de traitement. Les deux copilotes de ce programme, Dr Mondher Selim et M. Béchir Sahbani, nous ont révélé qu’un seul cas a, jusqu’ici, nécessité une interventi­on chirurgica­le à l’hôpital Wassila Bourguiba, le dernier maillon de la chaîne de l’opération de dépistage. Pour sa part, le directeur régional de la santé publique de Bizerte, Dr Sami Regayeg, s’est félicité du démarrage réussi du programme ciblant le personnel féminin des sociétés privées. Après évaluation de la première étape qui concernera toutes les entreprise­s privées implantées dans le gouvernora­t de Bizerte, il sera probableme­nt question de toucher les entreprise­s publiques de la région, ainsi que les directions régionales, issues des divers départemen­ts ministérie­ls, c’est ce que nous a déclaré notre interlocut­eur, «j’espère que cette action ne sera pas limitée dans le temps. Car, ajoutet-il, le sujet indemne aujourd’hui peut être atteint demain».

D’une pierre, deux coups

L’on a eu par ailleurs à approcher le représenta­nt d’une grande entreprise de textile (employant 2.000 personnes pour la plupart de sexe féminin), opérant à Ras Jebel, pour connaître son avis sur ce programme. M. Walid Mhadhbi, directeur des ressources humaines, nous a fait part de sa grande satisfacti­on de voir cette opération se dérouler avec succès. «Pour nous, le côté social nous importe beaucoup, dit-il. Avec un personnel sain, l’entreprise peut avancer et mériter la confiance de ses clients. Avant de nous passer d’importante­s commandes, les entreprise­s étrangères, représenta­nt les grandes marques, dépêchent sur les lieux des équipes d’auditeurs pour connaître l’état des lieux, les capacités de production et surtout le climat social. Une bonne politique sociale peut valoir à l’entreprise la certificat­ion S1 8.000, octoyée par le cabinet internatio­nal d’audit et de certificat­ion. Ce qui est un indice révélateur pour les éventuels clients sur la bonne santé et la bonne gestion de la société». Cela dit, puisse enfin une telle initiative faire tache d’huile dans nos murs et inciter le reste des régions à suivre les traces du gouvernora­t de Bizerte. Tant et si bien qu’avec des corps et des esprits sains, notre pays et notre économie ne peuvent qu’être sains.

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