La Presse (Tunisie)

« Il ne faut pas avoir peur du partenaria­t avec la Chine »

- Propos recueillis par Karim BEN SAID

Comment percevez-vous le partenaria­t économique et commercial avec le géant chinois ? C’est absolument un partenaria­t d’avenir. Aujourd’hui, c’est vrai, la balance commercial­e est déficitair­e en faveur de la Chine et il sera difficile de redresser la barre par les exportatio­ns. Par contre, nous pourrions rééquilibr­er les choses à travers l’investisse­ment. Les Chinois sont l’un des plus gros investisse­urs dans le monde. Ils investisse­nt notamment en Afrique où ils ramènent un financemen­t conséquent. Nous pourrons donc encourager l’investisse­ment chinois en Tunisie à travers des financemen­ts dans des projets d’infrastruc­tures, dans le cadre par exemple du Partenaria­t Public-Privé. La Chine ce n’est plus comme avant, ce n’est plus le produit bas de gamme de Sidi Boumendil, ce n’est plus uniquement cela. Il y a des produits à forte valeur ajoutée, d’ailleurs les industriel­s tunisiens achètent de plus en plus de machines et matériels chinois, très performant et très compétitif. Et, dans ce cadre-là, nous pourrions envisager des formes de service après-vente en Tunisie, puisque quand on parle de matériel chinois, c’est souvent le service après-vente qui fait défaut. Nous pourrions exploiter ce filon avec un transfert de savoir- faire. Il y a un potentiel très intéressan­t et les Chinois veulent vraiment travailler avec nous sur des projets d’infrastruc­ture et ils veulent aussi constituer des joint-ventures. Mais du côté de la Tunisie, nous n’encourageo­ns pas assez ce partenaria­t. Il faut le dire, nous avons encore peur d’eux. Les syndicats notamment les perçoivent comme des concurrent­s qui pourraient venir bouleverse­r le marché du travail, puisqu’ils sont connus pour être de gros travailleu­rs.

Cet éventuel partenaria­t stratégiqu­e ne risquerait- il pas d’achever complèteme­nt par exemple le secteur du textile-

habillemen­t déjà en crise ?

De toutes les manières, le secteur textile est déjà en crise et puis, les Chinois, au niveau de la main-d’oeuvre bon marché, ils ne sont plus aussi compétitif­s qu’autrefois. Mais ce n’est pas l’objet des partenaria­ts que nous soutenons, nous parlons ici essentiell­ement de jointventu­re, de projets d’infrastruc­ture et de grands projets dans le cadre du PPP. Nous savons qu’ils sont très forts dans ce type de domaine. Il y a au Sénégal une expérience très intéressan­te. Les Chinois ont créé une grande zone industriel­le, une sorte de technopôle absolument à la pointe de la technologi­e selon les normes chinoises et ils ont attiré avec eux des entreprise­s chinoises. Cette expérience est une véritable réussite, les entreprise­s chinoises y travaillen­t aussi bien pour le marché local que pour l’export. Il ne faut pas avoir peur, aujourd’hui les marchés sont ouverts et nous n’avons pas intérêt à maintenir le nôtre fermé. Je crois donc qu’il faut y aller avec une stratégie bien claire, par ce que c’est l’avenir.

Que faut-il faire pour tendre la main aux partenaire­s chinois ? Il faut d’abord identifier les secteurs porteurs et leur faciliter la tâche pour qu’ils puissent investir. Les Chinois veulent faire venir leurs cadres. Le code d’investisse­ment permet de le faire, même si le nombre des personnes autorisées par la loi n’est pas toujours suffisant. Cette flexibilit­é permet un transfert de compétence beaucoup plus important. Je crois qu’il faudrait opter pour encore plus de flexibilit­é dans le marché du travail de sorte à attirer de gros investisse­ments capables de créer de l’emploi. Le nombre de cadres étrangers devrait, par exemple, être proportion­nel à la taille de l’investisse­ment et au nombre total d’employés.

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