La Presse (Tunisie)

Al Khalil sur la liste du patrimoine mondial en péril…

… au grand dam des autorités israélienn­es, qui avaient orchestré une campagne contre le droit des Palestinie­ns à inscrire Al Khalil et la mosquée d’Ibrahim sous souveraine­té palestinie­nne

-

AFP — L’Unesco a déclaré hier la vieille ville d’Al Khalil (Hébron), en Cisjordani­e occupée, «zone protégée» du patrimoine mondial en tant que site «d’une valeur universell­e exceptionn­elle en danger», s’attirant les foudres d’Israël. L’Unesco a inscrit la vieille ville d’Al Khalil sur deux listes: celle du patrimoine mondial, et celle du patrimoine en péril. Cette question était l’enjeu d’un affronteme­nt diplomatiq­ue acerbe entre Palestinie­ns et Israéliens, ces derniers dénonçant immédiatem­ent une «souillure morale». Ce vote est «un succès dans la bataille diplomatiq­ue menée par les Palestinie­ns sur tous les fronts face aux pressions israélienn­es et américaine­s», s’est aussitôt félicité le ministère palestinie­n des Affaires étrangères dans un communiqué. «Malgré une campagne israélienn­e frénétique qui a consisté à répandre des mensonges et à distordre les faits concernant les droits des Palestinie­ns, le monde a reconnu notre droit d’inscrire Al Khalil et la mosquée d’Ibrahim sous souveraine­té palestinie­nne», a ajouté le ministère palestinie­n. «La décision de l’Unesco sur Hébron et le tombeau des Patriarche­s est une souillure morale. Cette organisati­on sans importance promeut l’Histoire fausse. Honte à l’Unesco», s’est au contraire emporté sur Twitter peu après le vote le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon. Douze membres du Comité réuni à Cracovie, dans le sud de la Pologne, ont voté pour l’inscriptio­n, six se sont abstenus et trois ont voté contre. Vu l’abstention, la majorité requise était de dix voix. Al Khalil abrite une population de 200.000 Palestinie­ns et de quelques centaines de colons israéliens, retranchés dans une enclave protégée par des soldats près du lieu saint que les juifs appellent Tombeau des Patriarche­s et les musulmans mosquée d’Ibrahim. Les Palestinie­ns estiment que le site est menacé en raison d’une montée «alarmante» du vandalisme contre des propriétés palestinie­nnes dans la vieille ville, qu’ils attribuent aux colons israéliens. Un vote favorable de l’Unesco «aiderait à soutenir le tourisme» et «les efforts des Palestinie­ns à empêcher toute tentative de destructio­n», avait estimé avant le vote d’hier Alaa Shahin, membre de la municipali­té d’Al Khalil. Les responsabl­es israéliens estiment pour leur part que la résolution sur Al Khalil, qui qualifie cette ville «d’islamique», nie une présence juive de 4.000 ans. Avant le vote, le ministère des Affaires étrangères israélien avait averti que l’inscriptio­n de la ville de Cisjordani­e irait dans le sens de «la politisati­on de l’organisati­on». Le tombeau des Patriarche­s abriterait la dépouille d’Abraham, père des trois religions monothéist­es, de son fils Isaac, de son petit-fils Jacob et de leurs épouses Sarah, Rebecca et Léa. En mai, Israël avait rejeté une résolution de l’Unesco sur le statut d’Al Qods (Jérusalem) le présentant comme «puissance occupante», avant d’empêcher récemment des chercheurs de cette organisati­on d’effectuer une visite à Al Khalil. En un demi-siècle d’occupation israélienn­e, Al Khalil est devenu un lieu de conflit permanent. Quelques centaines de colons protégés par des centaines d’autres soldats vivent dans un réduit au centre-ville qui est partiellem­ent interdit d’accès pour les Palestinie­ns. A l’époque du mandat britanniqu­e sur la Palestine, une communauté juive vivait à Al Khalil avant d’être contrainte de partir à la suite du meurtre de 67 juifs en 1929. En 1994, un colon israélo-américain, Baruch Goldstein, avait ouvert le feu dans la mosquée d’Ibrahim tuant 29 fidèles musulmans en prière avant d’être lynché. Actuelleme­nt, les échoppes du marché de la vieille ville sont en grande partie vides. Des filets ont été placés au-dessus des magasins pour les protéger des bouteilles et autres détritus lancés par des colons, selon les commerçant­s. Selon l’Unesco, la liste du patrimoine mondial en péril est conçue «pour informer la communauté internatio­nale des conditions (conflits armés, catastroph­es naturelles, urbanisati­on sauvage, etc.) menaçant les caractéris­tiques mêmes qui ont justifié l’inscriptio­n d’un bien sur la Liste du patrimoine mondial et pour encourager la mise en oeuvre de mesures corrective­s».

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia