La Presse (Tunisie)

La population respire

Mercredi soir, le maréchal Khalifa Haftar avait annoncé la «libération totale» de la ville après plus de trois ans de combats meurtriers avec les groupes extrémiste­s

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AFP — « Je serai enfin en mesure de rentrer chez moi. Je peux mourir tranquille maintenant», lance Saïd Al-Mabrouk, 72 ans, délogé depuis trois ans par les jihadistes de sa maison à Benghazi, ville reconquise par les forces loyales à l’homme fort de l’est libyen. Habitant du quartier Al-Sabri, cheikh Al-Mabrouk dit toutefois en avoir «payé le prix cher», après avoir perdu un fils dans les combats au sein des forces du maréchal Khalifa Haftar. Comme cet homme, des milliers d’habitants de Benghazi sont descendus dans la rue dans la nuit de mercredi à jeudi pour fêter la victoire» sur les groupes jihadistes dans la deuxième ville du pays plongé dans le chaos depuis des années. Des centaines de voitures ont défilé, musique à fond, dans un concert assourdiss­ant de klaxons, provoquant des bouchons monstres, sous un ciel illuminé par des feux d’artifice. Mercredi soir, le maréchal Khalifa Haftar a annoncé la «libé- ration totale» de la ville après plus de trois ans de combats meurtriers avec les groupes extrémiste­s. Ses forces armées sont venues à bout des derniers jihadistes qui étaient cernés depuis plusieurs semaines dans leurs derniers repaires, dans les quartiers de Soug Al-Hout et Al-Sabri, dans le centre de la ville. L’armée interdit encore aux habitants de retourner chez eux dans ces deux quartiers, par crainte de mines et autres engins explosifs laissés par les jihadistes. Mais Alia Hamad dit avoir été en mesure de rentrer dans sa maison à Soug Al-Hout, sous la protection des militaires. «Nous avons pu récupérer nos documents et ce que nous avons de plus précieux», se félicite-t-elle. Elle espère que «la prochaine étape sera consacrée à la résolution de la crise politique et l’améliorati­on des conditions de vie des citoyens» qui font face à une pénurie de liquidités et une hausse de prix sans précédent, outre l’insécurité. En 2014, le maréchal Haftar avait lancé une opération qu’il a appelée «Dignité» pour reprendre Benghazi, bastion de la révolution libyenne de 2011 qui chassa du pouvoir le dictateur Mouammar Kadhafi. La ville était, après la révolution, tombée aux mains des jihadistes. Et depuis, des combats quasi-quotidiens y opposaient les forces pro-Haftar aux groupes extrémiste­s, laissant des quartiers en ruines.

«Respirer un peu»

«Benghazi entre aujourd’hui dans une nouvelle ère de paix, de sécurité, de réconcilia­tion (...) et de reconstruc­tion», a dit le maréchal Haftar lié à un gouverneme­nt parallèle non reconnu basé dans l’est libyen. Le militaire conteste le pouvoir du gouverneme­nt d’union nationale basé à Tripoli et reconnu par la communauté internatio­nale. Ce dernier, qui peine à élargir son influence au reste du pays livré aux milices armées, n’a pas commenté la «libération» de Benghazi. «Il est temps qu’on respire un peu maintenant. Durant les trois dernières années, nous avons vécu une ambiance de guerre et de terreur (...) Nous en avons marre de la guerre. Il faut que nous reconstrui­sions notre pays maintenant», lance Amal AlGamati, 26 ans. «Nous sommes plus en sécurité maintenant», renchérit Sawssen, 20 ans, habillée à l’occidental­e, écouteurs aux oreilles. «Nous avions peur de sortir sans se couvrir la tête», dit-elle en sirotant son café dans un parc d’attraction ouvert récemment. Non loin, Aziza Agouri, 62 ans, regarde au ciel, tentant de repérer un avion de chasse qui passait au-dessus du parc. Elle aussi dit avoir été chassée de sa maison dans le quartier d’AlSabri. «Nous allons enfin revenir à nos quartiers détruits. Nous allons essayer de les reconstrui­re après avoir exterminé cette bande de criminels», dit-elle.

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