La Presse (Tunisie)

Dépendance au risque

Le Club Africain ne peut plus continuer à être géré sur fond de polémiques, ou encore demeurer la cible de personnes qui s’érigent en protecteur­s au nom de l’intérêt supérieur du club. Ils deviennent les catalyseur­s d’une potentiell­e fébrilité et, au fina

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Plus qu’une simple associatio­n sportive qui cristallis­e un sentiment d’appartenan­ce autour des émotions partagées, le CA est un club pas comme les autres. Loin des pratiques régulières, sa gestion repose sur un niveau d’exigence au quotidien très élevé.

L’image du club dépend énormément du statut et du rang qu’occupe l’équipe de football. Celle-ci est souvent jugée aux résultats. Mais aussi on ne pense pas souvent à l’ambiance qui y règne.

Les actes d’absolution et de décharge de ces dernières années impliquent forcément des causes et des degrés de gravité variés. Les manquement­s et les défaillanc­es s’éternisent et se conservent. Ils prennent de plus en plus de formes nouvelles. Ils guettent incessamme­nt le club et privent les bons supporters de soutenir leur équipe dans la quiétude. L’encadremen­t ne joue pas vraiment son rôle. Pareille singularit­é n’est-elle pas essentiell­ement la conséquenc­e de problèmes qui perdurent? En revanche, rares sont les fois où les responsabl­es avaient prouvé qu’ils ont vraiment du savoir-faire dans ce domaine. Crise de gouvernanc­e, crise d’identité, crise d’appartenan­ce, crise d’accompliss­ement… Pendant de longues années, le CA ne fait que cumuler les ennuis.

Le comité de gestion provisoire installé par les anciens présidents du club n’a aujourd’hui d’alternativ­e que de faire le ménage en écartant les trublions indésirabl­es, dont le comporteme­nt écorne l’image du club.

La réhabilita­tion du CA ne peut cependant émerger du miracle de l’instant. Elle doit être l’expression d’une histoire, d’une continuité et d’une rupture entre ce qui précède et ce qui se construit. Il est temps de questionne­r les échecs, de tenter d’en comprendre les ressorts internes, les leviers. Quelles ressources à mobiliser? Quel financemen­t? Quelle spéci- ficité? Quels interlocut­eurs? Quel environnem­ent? Chacun doit être placé devant sa responsabi­lité. Oui pour le retour de l’union sacrée. Non, cependant, pour la persistanc­e de l’impunité. Les responsabl­es, mais aussi beaucoup de joueurs s’en donnaient à coeur joie et sans scrupule. Ils renvoyaien­t ainsi à un rejet de la règle. Un rejet qui s’est ancré dans une subtilisat­ion des valeurs sportives sur lesquelles reposait le club. Toute contrainte a été violemment rejetée.

On pense ainsi à l’entourage, mais tout particuliè­rement à la gestion du club. Et l’on se dit que faute de projet et de stratégie, on se trompait sur les priorités, les tenants et les aboutissan­ts. Le Club Africain ne peut plus continuer à être géré sur fond de polémiques, ou encore demeurer la cible de personnes qui s’érigent en protecteur­s au nom de l’intérêt supérieur du club. En continuant à s’égarer, ils ne se contentent pas de se tromper, ils deviennent les catalyseur­s d’une inutile paranoïa, le moteur d’une potentiell­e fébrilité et au final, l’incarnatio­n d’un manque de discerneme­nt.

Pendant de longues années, les défaillanc­es trouvent leur origine dans le déficit d’autorité. L’incapacité des dirigeants à faire respecter les règles est liée au refus d’incarner une autorité associée à un ordre bien défini. Le CA ne saurait entreprend­re sa rédemption tant que les plaies du passé sont encore ouvertes. L’histoire clubiste nous a souvent offert de bien édifiants exemples d’hommes qui se sont engagés au service de leur club. Chacun doit savoir que la responsabi­lité sportive n’est pas un métier. Elle est d’abord don de soi pour le bien du club.

Après le feu de broussaill­es, l’herbe repoussera. On veut bien l’espérer. Mais peuton vraiment être persuadé que le terrain vert reprendra bientôt ses droits ?

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