La Presse (Tunisie)

L’espoir d’une vie meilleure

Les vacances d’été ont un goût amer dans les quartiers populaires

- S.AH.

En se baladant dans la cité Ennassime à l’Ariana, vers 10h, il est fréquent de voir, en ce début des vacances scolaires, des enfants et des jeunes adossés au mur sans rien faire. Ils fixent vaguement les va-et-vient des passants et des visiteurs de passage dans le quartier où ils vivent . Ces désoeuvrés ont été interrogés par La Presse; certains ont quitté l’école à un âge précoce à cause des difficulté­s scolaires alors que d’autres ont eu des démêlés avec la justice.

Les conditions de vie de ces enfants y sont rudes autant que pour les adultes. Le chômage et la pauvreté sont visibles. Ces gamins marginalis­és depuis longtemps sont en proie aux fléaux de la drogue, de l’alcool, de la délinquanc­e et de la violence en général, après la révolution.

Briser le mur du silence

Faire parler des enfants de ces quartiers et les amener à se confier sur leur vécu et celui de leur entourage; les aider à communique­r et à dévoiler leurs sentiments et ressentime­nts n’est pas une tâche aisée. La pauvreté et la misère sont visibles dans leurs foyers. Ces enfants sont issus de familles défavorisé­es. Il s’agit de briser le mur du silence derrière lequel beaucoup d’enfants cachent leur misère, leur drame et leur désespoir. Certains enfants sont mal encadrés par leurs parents. Ils passent le plus clair de leur temps dans la rue à jouer au ballon ou à fouiller les poubelles. D’habitude, à défaut d’espaces de loisirs et de structures sportives, les garçons passent les vacances à jouer dans la rue tandis que les filles à s’acquitter des tâches domestique­s. Jeune adolescent­e âgée de douze ans qui habite dans la cité Ennassime, Samia passe la grande partie des vacances scolaires cloîtrée dans la maison. Ces parents, de conditions modestes, n’ont pas les moyens de l’envoyer en vacances avec les scouts ou de l’inscrire tout simplement dans un espace ou un club pour pratiquer une activité ludique ou de loisir.«Les conditions sociales de mes parents sont difficiles. Ma famille est pauvre et nous sommes deux garçons et deux filles. Mes parents ne trouvent même pas de quoi nous acheter des habits… » souligne-t-elle avec un ton de tristesse dans la voix. Frère et soeur, Samar et Sami habitent dans le même quartier que Samia. Rencontrés dans la rue, se plaignent, eux aussi, d’une situation familiale précaire. Leurs parents sont, effet, divorcés. Leur père souffre d’un handicap et leur mère fait des travaux de ménage chez des familles pour subvenir aux besoins des siens. Les deux jeunes gens déplorent le fait que les politicien­s et les officiels ne prêtent pas suffisamme­nt attention aux problèmes des jeunes dans les quartiers populaires où sévissent la pauvreté et le chômage. «Il faut que cette situation change, a affirmé Samar. Notre quotidien est fait de pauvreté, de chômage, de délinquanc­e, de drogue et d’alcool. On en a marre de cette situation » .

Huit ans, l’âge du premier joint

Dans ces quartiers, les enfants fument à un âge de plus en plus jeune. C’est vers huit ans qu’ils font l’expérience de la première cigarette. Dans les quartiers « Mostakbal » et «Borj Torki », Mme Hassine, une habitante du quartier, avoue qu’il s’agit d’un « phénomène de société» qui s’aggrave de jour en jour. «Je ne veux pas que nos enfants se fassent prendre au piège de la cigarette». Dans ce quartier populaire, une scène attire l’attention. Formant un cercle au pied d’un mur, des enfants âgés d’à peine neuf ans sont assis et fument à tour de rôle du cannabis, sous le regard indifféren­t des passants. R. âgé de neuf ans déclare : « Je fume de façon occasionne­lle. La cigarette me permet de m’évader dans un autre monde et d’oublier les conditions difficiles dans lesquelles je vis. J’oublie la misère de mon quotidien. J’ai des amis qui ont le même âge que moi âge, par contre, n’arrivent plus à se passer de la cigarette. Ils fument deux à trois cigarettes par jour».

Prémunir contre la délinquanc­e !

Afin d’éviter que ces enfants ne tournent mal et ne sombrent dans la délinquanc­e, un centre culturel situé dans l’un des quartiers populaires organise des activités culturelle­s et de loisir intéressan­tes afin d’initier ces enfants et adolescent­s au théâtre, aux NTIC, à la lecture, … et leur éviter, ainsi, d’errer toute la journée dans rue. Les événements ont lieu le plus souvent dans les espaces publics. L’objectif est d’établir un contact avec les petits, les éduquer ou les rééduquer d’une manière implicite. «Ces activités sont organisées dans plusieurs autres quartiers proches», a relevé un cadre travaillan­t à la municipali­té de l’Ariana qui a, par ailleurs, affirmé qu’une convention a été conclue avec les autorités officielle­s dans le but de protéger ces enfants et leur famille des risques de marginalis­ation et de les prémunir contre la délinquanc­e. . Malgré le manque de ressources financière­s, les enfants de ces cités gardent l’espoir de voir leur situation et leurs conditions de vie s’améliorer un jour.

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