La Presse (Tunisie)

Les insuffisan­ces persistent

Malgré un positionne­ment favorable dans la région Mena, la Tunisie reste encore en retard par rapport à la meilleure note de l’indice, soit 92 sur 100. Ceci est dû à l’absence de divulgatio­n des impôts perçus et des paiements effectués par entreprise

- Maha OUELHEZI

Selon l’Institut de gouvernanc­e des ressources naturelles (Nrgi), l’indice de gouvernanc­e des ressources naturelles pour l’année 2017 a classé l’industrie minière en Tunisie en dessous de la moyenne mondiale, avec une note de 46 points sur 100, soit la 48e place par rapport à 89 pays évalués. Pour le secteur pétrolier et gazier, le classement de la Tunisie est meilleur, soit la 26ème, avec un score de 56 points sur 100, étant en tête des pays de la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena). Wiseem Heni, NRGI Program Officer en Tunisie, a affirmé que la réalisatio­n de cet indice s’est déroulée sur une année, engageant 150 experts à travers le monde et puisant dans 10 mille documents. « Il s’agit d’un outil de réforme pour déceler les faiblesses et les forces du secteur des hydrocarbu­res dans le monde. C’est un indice de gouvernanc­e avec l’objectif de renforcer la transparen­ce et la redevabili­té », indique-t-il. Le classement de la Tunisie démontre qu’il y a encore du travail à faire sur le chemin de la transparen­ce dans les industries extractive­s. Des efforts ont été formulés, certes, avec l’adhésion de la Tunisie à l’Open Data Partnershi­p et aussi avec la mise en place d’une plateforme électroniq­ue, publiant tous les contrats dans le secteur, mais la gouvernanc­e reste au deçà des objectifs. Pour le secteur pétrolier et gazier, la Tunisie doit sa note favorable de 56 points sur 100 à un contexte institutio­nnel favorable à la redevabili­té et à la participat­ion, au contrôle de la corruption et à l’Etat de droit. De même pour la sous-composante relative à l’imposition avec une note de 80 sur 100. Reste que les mesures de lutte contre la corruption dans le secteur sont limitées, parce que la Tunisie n’exige pas la divulgatio­n publique de l’identité des propriétai­res réels des sociétés ou des intérêts financiers des fonctionna­ires dans les entreprise­s pétrolière­s. Ce qui fait que malgré un positionne­ment favorable dans la région Mena, la Tunisie reste encore en retard par rapport à la meilleure note de l’indice, soit 92 sur 100. Ceci est dû à l’absence de divulgatio­n des impôts perçus et des paiements effectués par entreprise, selon le NRGI. En ce qui concerne le cadre légal et l’applicatio­n des lois, l’analyse indique que la Tunisie ne dispose pas de règles budgétaire­s explicites contrôlant les revenus et les dépenses, ni de mécanismes particulie­rs visant à partager les revenus des ressources extractive­s entre les régions. Au niveau de secteur minier, l’indice de gouvernanc­e fait ressortir une note de 46 sur 100, qui place la Tunisie à la 48e place à l’échelle mondiale. Une performanc­e moins importante que le secteur pétrolier et gazier et qui reflète des insuffisan­ces de gouvernanc­e. Ces insuffisan­ces relatent essentiell­ement de la gestion des revenus (note de 30 sur 100) ainsi que de la réalisatio­n de la valeur (40 sur 100) mesurant la capacité d’un pays à exploiter la valeur de ses ressources naturelles contre une performanc­e assez bonne au niveau du cadre juridique. L’indice de gouvernanc­e souligne une opacité dans la procédure d’attributio­n des titres, du fait que le code minier ne requiert pas la publicatio­n des critères de préqualifi­cation ni des règles régissant l’attributio­n des titres. A ce niveau, le NRGI évoque le retard dans l’adhésion de la Tunisie dans l’Initiative pour la transparen­ce dans les industries extractive­s (Itie). Encore une fois, le code minier tunisien ne requiert pas la publicatio­n des évaluation­s des impacts environnem­entaux et sociaux et des plans de gestion.

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Pour Kais Mejri, directeur général de la gouvernanc­e auprès du ministère de l’Industrie et du Commerce, la principale problémati­que dans la gouvernanc­e des secteurs pétrolier, gazier et minier résidait dans les pratiques de divulgatio­n des informatio­ns. Une problémati­que qui a été partiellem­ent résolue avec la mise en place de la plateforme électroniq­ue Open Data. Mais les défis persistent. M. Mejri indique que la stabilité politique et administra­tive reste encore problémati­que, à cause de la fréquence des remaniemen­ts ministérie­ls et des changement­s récurrents au niveau administra­tif. « Ceci influence la pérennité des projets et l’action de l’Etat », lance-t-il. En deuxième lieu, le manque de moyens disponible­s est un défi à relever surtout au niveau de la direction générale des mines qui est en manque flagrant d’effectifs. En troisième lieu, il s’agit d’accélérer les réformes structurel­les du secteur, avec la révision des codes des hydrocarbu­res et des mines, la révision du cadre institutio­nnel et l’adhésion à l’Itie. Un avis que partage Ridha Bouzaouada, PDG de la Compagnie franco-tunisienne de pétrole (Cftp), qui a insisté sur l’importance de la simplifica­tion et la vulgarisat­ion de l’informatio­n dans le secteur des industries extractive­s. « Il est important de bien comprendre le secteur et de simplifier l’informatio­n. Mais il faut aussi préciser que les besoins logistique­s et techniques du secteur sont importants et il faut veiller à les subvenir », affirme-t-il. De son côté, Charfeddin­e Yaâcoubi, ancien président de l’Associatio­n tunisienne des contrôleur­s publics, assure qu’il y a une problémati­que de gouvernanc­e des entreprise­s publiques dans le secteur. Il évoque le cas de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), dont le site web ne dispose d’aucune informatio­n. Il souligne également que malgré un cadre juridique assez complet, il y a des insuffisan­ces au niveau de la pratique et du suivi des procédures. « Il n’existe pas d’informatio­ns quant à la bonne applicatio­n des procédures, le calcul des impôts, quant à l’impact environnem­ental des projets. Bien qu’il y ait un portail Open Data, il n’y a pas une loi qui exige la publicatio­n des contrats », explique-t-il. De même pour la Responsabi­lité sociale des entreprise­s (RSE), qui reste encore, selon M. Yâacoubi, pas assez claire. Il indique que la CPG consacre 20 MDT par an pour la RSE, mais il n’y a pas assez d’informatio­ns concernant l’usage de ce montant. De même, il n’existe pas d’informatio­ns sur les revenus réels de chaque entreprise pétrolière en Tunisie. Des questions qui ont mené, selon lui aux perturbati­ons sociales opérées dans le sud du pays, avec principale raison le manque de transparen­ce. A ce niveau, M. Mejri affirme qu’il y a une absence d’un débat national sur la gouvernanc­e des ressources. Ce débat devrait être une locomotive pour le renforceme­nt de la transparen­ce dans le secteur des industries extractive­s.

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