La Presse (Tunisie)

Le «mode mobile» en alternativ­e

Quelques marchands ambulants n’ont pas attendu très longtemps pour trouver une autre alternativ­e aux étals anarchique­s qui sont désormais interdits. Ils ont opté pour le « mode mobile » et circulent dans des automobile­s remplies de marchandis­es

- S.D.

Ils n’abdiquent jamais, ils se sont éclipsés pour un jour ou deux d’observatio­n, puis sont revenus très vite à la charge, dans certaines communes de la banlieue nord, occupant de nouveau les trottoirs comme si de rien n’était, défiant les campagnes anti-étal anarchique­s menées par la police municipale sous la houlette de certains gouverneur­s et présidents des délégation­s spéciales. Les arguments avancés par la majorité de ceux qui travaillen­t dans le circuit informel qui gangrène l’économie du pays, et qui refusent le relogement dans les nouveaux espaces aménagés, ne peuvent plus passer. Derrière les raisons de leur refus, se dissimule la démarche des barons du marché informel, donc de la contreband­e, pour échapper à tout contrôle de l’Etat, renforcer l’économie clandestin­e et, pourquoi pas, pousser le gouverneme­nt à trouver un deal dans la perspectiv­e d’une éventuelle structurat­ion de l’informel.

Peut-on parler encore de cas sociaux ?

La plupart des personnes qui ont fait fortune grâce à leurs activités dans le secteur informel se sont toujours cachées derrière une situation sociale précaire au départ. L’un des hommes d’affaires véreux, qui s’est retrouvé dernièreme­nt derrière les barreaux, en est l’exemple le plus frappant. C’est que le lien est très étroit entre les étals anarchique­s exposant une panoplie de produits, dont l’origine est inconnue, et la contreband­e. Après la révolution, les étals et kiosques anarchique­s ont asphyxié l’économie du pays. La Troïka à l’époque a enfoncé encore plus le clou en accentuant ce phénomène par le biais d’autorisati­ons offertes à certains faux cas sociaux. Mais peut-on encore parler de cas sociaux pour certains marchands ambulants exposant leurs produits dans des véhicules du type Toyota 4X4 flambant neufs, ou des vendeurs de friperie qui utilisent deux ou trois voitures et divers entrepôts pour le transport et le dépôt de leurs marchandis­es, ou de propriétai­res de kiosques anarchique­s qui dissimulen­t mal leur nouvelle situation sociale bien meilleure que celle d’un petit commerçant qui ne manque pas de payer ses impôts. Aucune révision n’a été faite au niveau de ces faux cas sociaux qui ont pu bénéficier de l’anarchie qui s’est répandue après la révolution et qui, à leur tour, ont tendance à vouloir perpétuer l’anarchie pour renflouer encore plus leurs caisses en observant des sit-in après chaque campagne contre les étals anarchique­s et en brandissan­t la menace de l’immolation pour exercer une pression continue sur le gouverneme­nt. La preuve, certains kiosques provisoire­s sont toujours là, au vu et au su des autorités qui remettent les décisions de démolition aux calendes grecques. Des propriétai­res de kiosques provisoire­s n’hésitent plus à louer leurs locaux pour se consacrer à d’autres activités qui rapportent gros (vente de friperies, fruits, poissons sur les trottoirs).

De l’étal anarchique fixe au « mode mobile ».

Suite à la dernière vaste campagne contre les étals anarchique­s et devant la volonté d’en finir définitive­ment avec ce phénomène, certains vendeurs n’ont trouvé de solution que d’opter pour un « mode mobile » pour pouvoir changer très vite de lieu, usant de leur propre réseau d’informateu­rs en cas de rondes de la police municipale. Leurs produits sont exposés le plus souvent dans des véhicules du type 4X4 dans des points stratégiqu­es, généraleme­nt dans les lieux à forte densité de population. Le bras de fer continue entre le gouverneme­nt et les marchands à la sauvette et il ne faut pas crier victoire trop tôt. La guerre contre les étals anarchique­s n’est qu’une infime partie de la guerre contre la corruption et la contreband­e, mais d’aucuns pensent que d’autres mesures doivent être prises dans le cadre d’une action qui prendrait en compte les facteurs socioécono­miques qui ont contribué

(Photo Samir KOCHBATI)

à la proliférat­ion des marchands ambulants. L’applicatio­n des lois interdisan­t les étals anarchique­s n’est pas de nature à mettre un terme à ce phénomène, en raison des multiples moyens de la contourner d’une part, et la nécessité de garantir du travail aux personnes vivant dans la précarité, d’autre part.

Le citoyen est lui aussi en infraction

Toute solution nécessite le dialogue en premier lieu et une écoute bien attentive aux demandes, aux aspiration­s et attentes de ces marchands .Représenta­nts de certains ministères et de toutes les parties interféran­t dans ce dossier doivent se pencher sur une réflexion réelle autour du problème du marché informel en général qui demeure prépondéra­nt dans les pays en développem­ent. Les marchands à la sauvette sont le maillon le plus faible de la chaîne de l’informel, ils travaillen­t à découvert mais c’est aux barons de la contreband­e qu’il faut s’attaquer. Un mot à la fin, si les étals anarchique­s sont interdits, pourquoi ne pas penser à pénaliser aussi les citoyens qui s’adressent aux marchands à la sauvette pour acheter un produit dont l’origine demeure inconnue. L’applicatio­n de la loi doit toucher les deux parties, vendeur et acheteur sont tous les deux en infraction.

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