Spectacle peu festif, mais perfectionné
Ouverture jeudi soir du Festival international de Carthage avec le spectacle « Art de Tunisie : 60 ans de musique tunisienne» de Chadi Guarfi où la musique tunisienne s’essaie à d’autres sonorités en prenant le risque de se diluer dedans.
Ouverture jeudi soir du Festival international de Carthage avec le spectacle « Art de Tunisie : 60 ans de musique tunisienne» de Chadi Garfi où la musique tunisienne s’essaie à d’autres sonorités en prenant le risque de se diluer dedans.
Il faudrait d’abord que les festivals internationaux de grande volée comme celui de Carthage prennent en considération un élément très important et qui compromet à chaque fois le travail parfois colossal des artistes. C’est l’élément sonore car si le son de l’orchestre était irréprochable, les responsables de la régie son ont négligé le micro réservé aux interprètes des chansons en question. Résultat: les textes étaient presque inaudibles. La voix des chanteurs tunisiens (Adnène Chaouachi, Noureddine Béji , Soulef entre autres) était presque étouffée au milieu de cette orchestration qui a impliqué plus d’une cinquantaine de musiciens Le public était agacé au début mais il a fini par fermer les yeux connaissant les textes des chansons tunisiennes par coeur. Cela dit, plusieurs invités venant de pays arabes auraient bien aimé un tant soit peu comprendre ces textes, ou du moins, avoir accès à l’articulation de la voix que ce micro terrassait complètement. Venons-en au spectacle avec lequel Chadi Guarfi a pris un risque comme il l’a lui-même déclaré. Un risque parce que le spectacle reprend les chansons tunisiennes qui ont marqué les 60 dernières années pour
les décliner ou les redistribuer musicalement sur d’autres instruments avec d’autres sonorités où on retrouve aussi bien le jazzy ( la présence de Fawzi Chekili était d’ailleurs remarquable ), que la salsa et d’autres rythmes latinos. Bref, des sonorités qui viennent d’ailleurs et qui n’ont pas servi d’habillage simple à la musique tunisienne (et c’était cela le risque en partie) mais qui semblent avoir été écrites spécialement pour ces chansons. C’est pour cela que
ces rythmes n’ont pas trop pris le pas sur l’âme des chansons. Car c’est cela aussi l’originalité de ce spectacle : écouter de la musique tunisienne avec de nouvelles sonorités. «Ce spectacle marque surtout les soixante ans de la République Tunisienne. Pour la première fois, notre musique sera musicalement communiquée d’une autre manière avec l’orchestration et la distribution, puisque c’est l’orchestre philharmonique de Tunis qui va assurer cette soirée, a déclaré Chadi Guarfi. Nous avons voulu également réunir toutes les générations d’interprètes: de Soulef à Kacem Kéfi, en passant par Nourredine Béji, Mohamed Jebali, Adnène Chaouachi, Rachid El Mejri, Asma Ben Ahmed et Nour El Kamar. Je mentionnerai également le clin d’oeil sur Ismaïl El Hattab et Hammadi Laghbabi à travers la danse exécutée par Rochdy Belgasmi. En fait, il s’agit d’une nouvelle manière sonore d’écouter notre musique. Toutes les sonorités seront différentes» . Une prise de risque que nous pouvons considérer comme réussie auprès du public, puisque le spectacle dans son rythme en général et son écriture musicale a retenu le public qui ne semble pas préparé à écouter des chansons tunisiennes autrement, c’est-àdire séparées de leur aspect festif qui fait qu’elles expriment une réalité et un gestus social propre à notre tempérament mais qui a fini par jouer le jeu et entrer dans ces sonorités jusqu’au bout du spectacle sans quitter les gradins. Un public qui est venu en nombre d’ailleurs pour assister à cette ouverture à l’amphithéâtre romain de Carthage et qui annonce de bonnes prémices pour les prochains spectacles. Un public qui a vécu ce spectacle comme une sorte de retrouvailles avec l’âge d’or de la chanson tunisienne à travers des figures comme Soulef, Noureddine Béji, Mohamed Jebali et Adnène Chaouachi qui ont rendu hommage à Ali Riahi, Hédi Jouini , Salah Mehdi et Sadok Thraya entre autres .