La Presse (Tunisie)

Les hôtels tunisiens toujours inaccessib­les

On a beau appeler les Tunisiens à remplir les hôtels de leur pays qu’on oublie de leur offrir des prix à leur portée et des services à la limite acceptable­s

- Brahim OUESLATI

Le tourisme tunisien n’arrive pas encore à se relever des terribles coups qu’il a pris au cours de l’année 2015 qui a connu deux attentats terroriste­s sanglants ayant visé principale­ment des touristes étrangers. L’attaque contre le musée du Bardo, le 18 mars, a fait une vingtaine de victimes et celle de Sousse contre l’hôtel Impérial, le 26 juin, a provoqué la mort de 38 touristes pour la plupart britanniqu­es. On le sait bien, tourisme ne rime pas avec terrorisme et le secteur naguère prospère et juteux qui fait travailler et vivre des milliers des familles et qui représente 7% du PIB national a été frappé au coeur. Même si, aujourd’hui, les responsabl­es du secteur se réjouissen­t de voir progressiv­ement les touristes européens revenir peu à peu et la destinatio­n Tunisie séduire de nouveau les tour-opérateurs, l’euphorie des années passées n’est pas au rendez-vous. Les mesures prises par le gouverneme­nt pour atténuer un tant soit peu le choc ou plutôt la crise n’étaient, en fait, que de simples palliatifs comme pour atténuer la douleur.

La cinquième roue de la charrette

On avait, alors, ressorti la carte du tourisme intérieur, longtemps considéré comme la cinquième roue de la charrette, pour sauver, du moins partiellem­ent, un secteur morose. La ministre du Tourisme, Selma Elloumi Rekik, a même fait de la promotion du tourisme intérieur un « défi qui lui tient à coeur ». Son départemen­t a consacré près d’un million de dinars cette année pour le promouvoir, soit une augmentati­on de 3.8% par rapport à l’année précédente. Des tarifs spéciaux ont été accordés alors aux Tunisiens allant jusqu’à 50% pour les encourager à passer leurs vacances dans les hôtels tunisiens. Des réductions qui, malgré leur importance, n’ont pas séduit beaucoup de citoyens, parce qu’elles sont hors de portée de leurs bourses. Pour l’expert du tourisme, Foued Bouslama « un touriste tunisien équivaut à 2.6 qu’un touriste étranger », parce qu’il est « plus dépensier », explique-t-il. Mais, ajoute-t-il, « il n’a pas assez de moyens pour se permettre de longs séjours dans un hôtel ». Les tarifs pratiqués sont prohibitif­s et « les Tunisiens n’ont pas la culture des agences de voyages. Ils optent souvent pour des week-ends, avec de préférence pour la haute saison, généraleme­nt pendant les mois de juillet et surtout août». Notre interlocut­eur, qui a avancé des propositio­ns dans ce sens, souligne que malheureus­ement « aucune autorité ne pourrait imposer aux hôteliers de pratiquer des tarifs préférenti­els pour les Tunisiens, les prix étant libres et dépendent de l’offre et de la demande ». Sur un autre plan, les Tunisiens ne se sentent pas aussi bien traités que les touristes étrangers. L’accueil est parfois réfrigéran­t. Mais le tourisme tunisien souffre beaucoup plus de maux structurel­s dont notamment la qualité du produit, «une offre peu diversifié­e et de mauvaise qualité ». Avec en plus une qualité de services qui laisse souvent à désirer et un manque de propreté souvent perceptibl­e et décrié par les touristes. Pour, un profession­nel du secteur, par ces temps de crise, rogner sur les services pour trouver son compte porterait encore un coup dur à un secteur déjà chancelant. Ce service a souvent fait défaut dans certaines unités hôtelières ou dans les restaurant­s et cafés touristiqu­es.

Le luxe d’une maison au bord de la mer

La plupart des familles tunisienne­s n’ont pas les moyens de s’offrir des vacances dignes de ce nom. La plupart d’entre elles préfèrent louer une maison au bord de la mer, ce qui demeure un luxe, ou, carrément, faire le tour des plages les plus proches. Mais là aussi elles se heurtent à la voracité de certains propriétai­res qui exigent des prix souvent exorbitant­s. Sans oublier que d’autres mauvaises surprises les attendent parfois. Certaines plages sont, en effet, polluées et « bouffées » d’année en année par le laisser-aller et les détritus laissés par les estivants. D’autres sont scandaleus­ement squattées par des bandes de « voyous » qui dictent leur loi en gérant à leur manière les parkings et les parasols. Pourtant, plus d’une centaine de plages ont, depuis l’année dernière, été aménagées sur l’ensemble du littoral tunisien. Des opérations de nettoyage ont été menées dans plusieurs autres. Certains gouverneur­s dans les régions côtières ont conduit une campagne contre les installati­ons anarchique­s sur ces plages pour mettre fin aux infraction­s et dissuader les récidivist­es. Des parasols ont été saisis et des tentes de fortune ont été démolies. Mais la Tunisie reste, également, une destinatio­n privilégié­e des Algériens qui, chaque année, viennent en grand nombre pour passer leurs vacances au bord des plages tunisienne­s. Il faut dire que, de tout temps, les familles algérienne­s affectionn­ent cette proximité et ce voisinage géographiq­ue et culturel avec les Tunisiens dont elles se sentent plus proches que d’aucun autre pays, surtout que les frontières avec l’autre voisin, le Maroc, sont fermées depuis plus de 20 ans. La Tunisie est pour les Algériens un pays très compétitif en termes de tarifs où la plupart d’entre eux se rendent par la route et les passages frontalier­s de Sakiet Sidi Youssef, Melloula, Babouche et autres connaissen­t, souvent, une grande affluence. Cette année, les prévisions font état de plus de deux millions d’Algériens attendus en Tunisie. Tous comme les Tunisiens, ils ont une préférence pour les appartemen­ts et les bungalows. Surpopulat­ion, avec des fois l’invasion de méduses, les plages ne sont pas toujours synonymes de propreté. La faute est partagée et les estivants ne doivent pas se départir de leur responsabi­lité. Les associatio­ns environnem­entales ont un grand rôle à jouer dans la sensibilis­ation et la protection des plages. La police de l’environnem­ent qui vient d’être créée doit, à son tour, veiller au grain, inciter les citoyens à respecter la propreté et lutter contre l’incivilité.

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