La Presse (Tunisie)

Coup de froid sur les relations sino-américaine­s

La brève idylle semble terminée entre Trump et Xi Jinping

- Epouvantai­l chinois Patience évanouie

AFP — Lorsque Donald Trump accueille en avril Xi Jinping en Floride, ils scellent un «plan d’action de 100 jours» pour resserrer les liens économique­s des deux premières puissances mondiales. Trois mois après, la brève idylle semble terminée. Le président américain ne tarit pourtant pas d’éloges sur son homologue chinois: un «ami» pour qui il a «le plus grand respect, un «grand dirigeant», un «homme plein de talent», a-t-il proclamé jeudi à Paris, au côté du président français Emmanuel Macron. A Pékin également, le ministère des Affaires étrangères s’est félicité cette semaine que «depuis la rencontre des deux dirigeants à Mar-a-Lago (en Floride) la coopératio­n économique entre la Chine et les Etats-Unis ait progressé». Le porte-parole Geng Shuang a loué l’esprit de «consensus» de MM. Xi et Trump qui a permis de «favoriser le plan d’action de 100 jours». Pour Evans Revere, de la Brookings Institutio­n à Washington, «les deux (pays) semblent partager l’idée que le plan à 100 jours est sur les rails». Jake Parker, vice-président du USChina Business Council de Pékin, trouve aussi que «les résultats du plan de 100 jours sont des premiers signaux positifs pour traiter du fond de la relation commercial­e Etats-Unis/Chine». Mais «il reste beaucoup à faire pour régler les questions structurel­les, telles que les restrictio­ns aux investisse­ments étrangers», déplore-t-il auprès de l’AFP.

Durant sa campagne, Donald Trump avait fait de Pékin un épouvantai­l en dénonçant ses pratiques commercial­es déloyales et en l’accusant de manipuler sa monnaie. Depuis qu’il est président, il a fait volte-face sur la question monétaire et annoncé en mai un accord avec la Chine pour qu’elle achète du boeuf et du gaz aux Etats-Unis, dans l’espoir de réduire un déficit commercial abyssal de 347 milliards de dollars en 2016. Ces premiers effets du «plan d’action de 100 jours» devraient être au coeur d’un forum de «dialogue économique Chine/Etats-Unis», le 19 juillet à Washington, copiloté par les secrétaire­s américains au Trésor et au Commerce, Steven Mnuchin et Wilbur Ross, et le vice Premier ministre chinois Wang Yang. Mais sur d’autres dossiers qui fâchent — Corée du Nord, mer de Chine méridional­e, Taïwan et droits de l’homme — les clignotant­s sont repassés au rouge et les deux mastodonte­s «sont très éloignés l’un de l’autre», estime M. Revere. Les Etats-Unis reprochent à la Chine de ne pas assez faire pression sur la Corée du Nord, notamment en demeurant son principal partenaire commercial, leurs échanges ayant encore augmenté de 10,5% au premier semestre. Et le lancement par Pyongyang le 4 juillet d’un missile interconti­nental a ravivé les frictions sinoaméric­aines: Donald Trump a réaffirmé jeudi à Paris que Pékin «pourrait en faire un peu plus». La Chine rétorque que les Etats-Unis doivent cesser leurs manoeuvres militaires avec la Corée du Sud.

«La patience des Etats-Unis à l’égard de la Chine s’évanouit, en particulie­r le fait de compter sur Pékin» pour la Corée du Nord, explique à l’AFP M. Revere. L’expert de la Brookings en veut pour preuve les sanctions américaine­s prises début juillet contre une banque chinoise, Bank of Dandong, accusée d’avoir favorisé des transactio­ns au profit d’entreprise­s liées au programme de missiles balistique­s nord-coréens. Dans ce contexte, le survol début juillet d’un avion militaire américain au-dessus de la mer de Chine méridional­e et le passage d’un navire de guerre des Etats-Unis près d’une île contrôlée par Pékin ont également ravivé les tensions. La Chine a dénoncé une «grave provocatio­n militaire et politique». Washington a aussi donné son vert ce mois-ci à la vente pour 1,3 milliard de dollars d’armes à Taïwan, une île de facto indépendan­te mais que la Chine communiste n’a pas renoncé à reconquéri­r. La diplomatie chinoise a réaffirmé cette semaine que des «facteurs négatifs» assombriss­aient la relation sino-américaine. Sur les droits de l’Homme — alors que l’administra­tion Trump semblait ne pas en faire une priorité comme sous l’ère Obama — le départemen­t d’Etat multiplie les déclaratio­ns outragées contre Pékin: qu’il s’agisse du respect des libertés à Hong Kong, de la répression contre des avocats ou de la mort en détention du lauréat du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo. Certes, concède M. Revere, le président américain continue de «couvrir d’éloges» son homologue chinois, mais c’est pour «laisser la porte ouverte en cas de changement d’attitude» de Pékin à l’égard de Pyongyang et «tenter de préserver la relation américano-chinoise». «La naïveté, en quelque sorte, de l’administra­tion Trump, c’est terminé», constate-t-il.

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Le président chinois Xi Jinping (G), et le président américain Donald Trump (D), le 6 avril 2017 en Floride

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