Déni de l’etat
CHASSEZ les démons de la sédition, ils ne reviennent pas au galop. Ils reviennent encore plus menaçants, mettant en danger d’éclatement l’idée même de l’Etat.
Aux premiers mois de la révolution, s’est développée une tendance selon laquelle les richesses de Tataouine appartiennent à ses habitants et le bassin minier ne doit ouvrir ses mines qu’aux jeunes de Gafsa, de M’dhilla et Métlaoui, alors que les Sahéliens, les Bizertins ou les Keffois (à titre d’exemple) n’ont qu’à travailler chez eux même si on a grandement besoin de leurs compétences et de leur savoir-faire dans d’autres villes du centre ou du nord.
Encore plus inquiétant, plusieurs partis politiques, dont certains sont aujourd’hui au pouvoir, ont soutenu bec et ongles ces appels et ont considéré que chaque région a droit à une partie conséquente des richesses que renferme son sous-sol et a la priorité absolue d’utiliser ses ressources naturelles comme bon lui semble.
Aujourd’hui, avec les négociations directes avec les sit-inneurs qui ont supplanté les autorités régionales et ont obligé les syndicalistes mêmes à occuper les strapontins lors de ces mêmes négociations et à assister impuissants aux caprices répétés et quotidiens des jeunes chômeurs devenus les négociateurs attitrés de Mohamed Trabelsi, Imed Hammami et Noureddine Taboubi, un nouveau cap est enregistré et une nouvelle donne est introduite.
Les sit-inneurs d’El Faouar exigent désormais qu’ils soumettent eux-mêmes aux sociétés d’environnement les listes des chômeurs à recruter et que les sociétés n’ont qu’à avaliser sans qu’il y ait de concours à passer. Autrement dit, ce sont les sit-inneurs qui vont désigner ceux qui vont travailler au sein des sociétés d’environnement.
Cette décision est à l’origine de l’échec des négociations avec les sit-inneurs d’El Faouar qui ont réussi, selon les sources officielles, à arracher pratiquement la totalité de leurs revendications. Que faut-il retenir de ce nouveau tournant qui risque de faire école et de pousser les sit-in en préparation à exiger les mêmes demandes ?
Quand beaucoup de Tunisiens ont attiré l’attention sur les périls que de telles négociations pourraient entraîner, les spécialistes «ès démocratie participative et citoyenne» les ont accusés d’antirévolutionnaires et de forces réactionnaires. Aujourd’hui, les masques sont tombés et on est face à une attitude pure et simple de déni de l’Etat. Quand on ouvre la porte aux concessions, on risque de ne plus pouvoir la refermer.
Aujourd’hui, les masques sont tombés et on est face à une attitude pure et simple de déni de l’etat. Quand on ouvre la porte aux concessions, on risque de ne plus pouvoir la refermer.