La Presse (Tunisie)

l’eau, un défi régional

- Par Raouf SEDDIK

LA faiblesse du niveau global des précipitat­ions la saison dernière a créé une situation critique du point de vue des disponibil­ités en ressources hydriques. Le niveau des barrages a chuté à 41% de sa moyenne habituelle et nous sommes pour ainsi dire à la merci d’un automne parcimonie­ux.

Cette situation présente assurément un caractère exceptionn­el mais on devrait se garder d’insister sur ce point. Le rapport de la Banque mondiale intitulé «Au-delà de la pénurie : la sécurité de l’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord» vient nous rappeler une réalité régionale qu’on ne saurait ignorer : 60 % des population­s vivent dans nos contrées dans des zones où le stress hydrique est «élevé ou très élevé». La moyenne mondiale, précise le même rapport, est de seulement 35 %.

Autant dire que les politiques menées en Tunisie depuis des décennies en matière à la fois de mobilisati­on et d’économie des ressources ne sont pas vaines. Il y a fort à parier que nous serions sans elles dans une situation autrement plus dramatique. A côté de la constructi­on des barrages — grands, moyens et petits — pour la collecte des eaux de ruissellem­ent, mais aussi pour l’alimentati­on des nappes phréatique­s, il faut rappeler les réalisatio­ns dans le domaine du recyclage des eaux usées et du dessalemen­t des eaux saumâtres dans le sud. Il convient cependant de souligner aussi et surtout le grand bond en avant réalisé par nos agriculteu­rs grâce au passage à la technique du goutte-à-goutte : une technique qui, comme chacun sait, est synonyme à la fois de hausse de la production agricole et de réduction de la consommati­on en eau.

Dans tous ces secteurs, cependant, les progrès sont à consolider et de nouvelles économies sont à conquérir. De plus, il existe des failles persistant­es par rapport auxquelles nous accusons peut-être du retard. C’est en particulie­r le cas avec le problème des fuites excessives dans le réseau de canalisati­on et, également, avec certaines habitudes de consommati­on qui sont synonymes de gaspillage. Le lavage quotidien et à grande eau des cours de maison en est un exemple parmi d’autres, bien que très éloquent.

La gestion prudente de ressources qui sont rares suppose une action à tous les niveaux, d’autant que la population augmente et passe à des modes de vie plus consuméris­tes. Cela veut dire que si la hausse du prix de l’eau potable devait elle-même contribuer à atteindre ce but en faisant pression sur ces habitudes de consommati­on, la mesure ne devrait pas être négligée. Le rapport de la Banque mondiale, présenté hier à Stockholm, relève ce paradoxe que ce sont les pays marqués le plus sévèrement par la pénurie en eau qui pratiquent les tarifs les plus bas et qui, par conséquent, consacrent la part la plus importante de leur PIB à subvention­ner la consommati­on de l’eau... A l’heure où la crise devient aiguë, le paradoxe prend les allures d’une aberration insupporta­ble.

la gestion prudente de ressources qui sont rares suppose une action à tous les niveaux, d’autant que la population augmente et passe à des modes de vie plus consuméris­tes.

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