La Presse (Tunisie)

L’opportunit­é d’un sauvetage unitaire

Aujourd’hui, autour de Chahed, une coalition de partis politiques solidairem­ent responsabl­es des succès comme des échecs est appelée à étoffer l’équipe sur des bases objectives d’efficacité. Sous peine d’éclater en morceaux ▸

- M’hamed JAÏBI

Les partis politiques ayant cosigné le Document de Carthage puis appuyé le gouverneme­nt d’union nationale ont fait la preuve, durant toute une année, qu’ils sont désormais solidaires dans l’action comme dans la stratégie de sortie de crise préconisée. Que certains d’entre eux se dégagent par à-coup de la responsabi­lité leur incombant en cette qualité, et lancent des fléchettes isolées ou même des boules puantes à l’adresse de Youssef Chahed, cela ne les délivre pas de leurs engagement­s pris solennelle­ment à Carthage, en présence du président de la République.

Un long processus d’homogénéis­ation

Souvenons-nous, Ennahdha avait défendu avec acharnemen­t l’idée d’un accord de gouverneme­nt avec Nida Tounès, qui allait à l’encontre des arguments de campagne les ayant opposés lors des législativ­es. Puis Ennahdha avait milité pour un élargissem­ent le plus large de l’alliance, pouvant inclure même le Front populaire. C’est dans ce cadre qu’Afek Tounès et l’UPL étaient cooptés. D’où la facilité avec laquelle l’accord de Carthage allait intégrer Al Massar, Al Joumhouri, le MPT. Tout ce processus était le fruit d’une grande sagesse de la part de la classe politique, le chef de l’Etat en tête. Et même si les résultats restent à potentiali­ser et à booster, la Tunisie a enfin creusé le sillon d’un programme commun de gouverneme­nt crédible qui n’attend plus que les réformes de structure, dont le principe est désormais acquis pour tous, destinées à renflouer les caisses de l’Etat et relancer l’investisse­ment.

Le président veut sauver cette logique unitaire

Est-il raisonnabl­e, maintenant, que l’on en vienne à détrôner unilatéral­ement cette logique unitaire pour revendique­r égoïstemen­t plus encore de ministres partisans et exiger le maintien de tous ceux en poste ? Y compris dans les départemen­ts économique­s et financiers où des compétence­s techniques sont impérative­s si l’on veut maîtriser les réformes de fond enfin envisagées. Pour voler au secours de cet impératif, le président Béji Caïd Essebsi, initiateur et dynamo du consensus tunisien, élargit les consultati­ons, multiplie les contacts avec les autres partis : Mohsen Marzouk, Yacine Brahim, Boujemâa Rmili, Samir Taïeb, lance des hypothèses, élabore des scénarios...

Etoffer sans disloquer

Aujourd’hui, autour de Chahed, une coalition de partis désormais solidairem­ent responsabl­es des succès comme des échecs est appelée à étoffer l’équipe sur des bases objectives d’efficacité. Sous peine d’éclater en morceaux Accusée de ne pas avoir réalisé le redresseme­nt souhaité et assuré toutes les conditions de la relance, cette coalition doit rester solidaire et faire appel à des technicien­s efficaces pour sauver la mise. Afin d’avoir une chance de marquer son passage aux commandes de l’exécutif par un succès pouvant convaincre les électeurs de demain. Dans l’esprit de très nombreux Tunisiens, il s’agit là d’un devoir national majeur. Mais les grands partis mettent en avant leur ego partisan au détriment des intérêts collectifs de la coalition. Ainsi que de ceux, vitaux, du pays. Ils font ce qui ressemble à un chantage miséreux qui prétend troquer l’orgueil de leurs partis et de leurs ministres contre le vote de confiance. Un pari suicidaire, lorsque l’on met dans la balance ce que le pays attend comme action décisive en vue de la relance et du sauvetage.

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