La Presse (Tunisie)

Bizarre, quand même, l’absence de l’autorité régionale !

Des forces occultes auraient-elles mis en veilleuse cet été les multiples actions des arts et de la culture dans nos régions ? ▸

- Bady BEN NACEUR

Sinon, comment expliquer le silence ou le blackout qui a régné sur la 3e session des rencontres Al Maken d’Art Actuel dans la presqu’île de Zarzis, à l’ouverture le 20 août, comme à la clôture mercredi dernier ? Toujours pas un chat, du côté de l’autorité locale ou régionale, qui aurait pu manifester un minimum de respect et de sympathie pour une quarantain­e d’artistes plasticien­s tunisiens et des quatre coins du monde, venus réanimer Zarzis de sa léthargie, mettre du baume dans les coeurs et faire voir la vie en beau pour toute une jeunesse desoeuvrée !

Zarzis «la Blanche», joyau de la Méditerran­ée…

La presqu’île de Zarzis a toujours été une zone stratégiqu­e et un lieu de passage vers la rive nord de la Méditerran­ée et vers l’Est et les pays du Moyen-Orient. Dans l’Antiquité, c’était même l’un des comptoirs les plus stratégiqu­es de Rome et de Carthage. Et ainsi de suite, ville de négoces durant la dynastie des Akkaris via l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharie­nne ainsi que l’Europe. Dans les temps modernes, cette ville portuaire d’un blanc immaculé, avec ses splendides hôtels qui font maintenant du surbooking avec les vacanciers de Monsieur Poutine qui leur a indiqué la Tunisie, au lieu de la Turquie, est normalemen­t toute indiquée pour réussir dans son essor socioécono­mique et culturel à l’égal de toutes ses soeurs du grand littoral tunisien. Malheureus­ement, c’est une ville que nous avons sentie comme coupée en deux. Ville dichotomiq­ue qui n’a pas échappé à la règle des forces occultes depuis l’aube de la révolution : argent sale, drogue et blanchimen­t d’argent, népotisme, retour de nos enfants de Daech, harragas... le démembreme­nt de la Libye se répercutan­t sur la ville entière, port, frontières, routes, etc. Cette petite digression pour parler de Al-Maken 3 ou comment rencontrer les citoyens de Zarzis dans «une ville de l’embrouille, à l’occasion des prochaines élections municipale­s», dixit un vieil homme sage de Zarzis qui a vu sa ville natale changer du tout au tout. Quant à l’absence des autorités locales et régio- nales, elle était tellement flagrante et bizarre que les animateurs d’Al-Maken et les artistes sur place ont préféré les ignorer, développan­t leurs créations jours et nuits avec la participat­ion de jeunes zarzissois, dans les ateliers, sur certains murs de la ville et des environs, visitant le «musée-mémoire de la mer» de monsieur Mohsen Lahidheb, «Le Chamane», jusqu’au montage de l’exposition annuelle en partance vers Tunis où elle sera vue dans un espacegale­rie prochainem­ent. Du point de vue du concept d’Al-Maken, les créateurs, les intellectu­els et les activistes ont parlé des nombreux problèmes liés à ce nouvel environnem­ent : la corruption, les effets pervers de la migration et des harragas… Mais ce sont surtout les objectifs politiques d’Al Maken qui ont peut-être fait grincer des dents les autorités qui parlaient plutôt des valeurs du «vivre ensemble» dans une société démocratiq­ue libre et sans la chappe de plomb dictatoria­le ou religieuse, telle que ces mêmes forces occultes sont en train de nous préparer pour les prochaines élections. Nous revisitero­ns les ateliers de Al-Maken 3 et parlerons de tous ces artistes d’ici et d’ailleurs qui nous ont fait rêver, dans les prochains volets.

Zarzis, «une ville de l’embrouille, à l’occasion des prochaines élections municipale­s», dixit un vieil homme sage de Zarzis qui a vu sa ville natale changer du tout au tout.

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