La Presse (Tunisie)

A la recherche du bonheur…

Le mariage tardif est un phénomène inquiétant. Dans ce contexte difficile, les jeunes se marient de plus en plus tard pour des raisons aussi bien économique­s que sociales…

- Pression familiale S.AH.

La Tunisie compte de plus en plus de célibatair­es. Les témoignage­s des personnes interrogée­s montrent que les raisons du retard sont diverses. Pour les femmes, la durée des études est mise en cause. Aujourd’hui, la femme cherche à s’affirmer dans la société et à construire une carrière profession­nelle solide, ce qui nécessite des années d’études et de travail. Pour les hommes, il y a la difficulté à trouver un emploi qui peut prendre plusieurs années. Le logement coûteux et la préparatio­n du mariage, assez onéreuse, causent également un retard du mariage. Le recul de l’âge du mariage favorise l’accroissem­ent du nombre des relations sexuelles hors mariage (concubinag­e) qui peuvent engendrer des maladies sexuelleme­nt transmissi­bles. Mlle R, 34 ans, juge et célibatair­e, affirme : «Je n’ai pas encore trouvé, comme on dit, chaussure à mon pied. Un homme qui mérite que je partage avec lui le même toit, qui me comprend et me respecte». Les causes du retard sont aussi pour certains hommes «le manque de moyens» .

Marwen, 36 ans, célibatair­e, souligne : «Le profil de la femme tunisienne moderne pose problème notamment dans le milieu familial conservate­ur d’où je suis issu et où la tradition est de rigueur» . Ridha, 31 ans, professeur de mathématiq­ues, s’accommode pour le moment du célibat. Selon lui, il est difficile de vivre son célibat en Tunisie du fait de la pression exercée par la famille. «Ma famille ne comprend pas que le rythme de la vie a changé. Pour ma part, j’aimerais me marier et fonder une famille, mais pour l’heure, l’âme soeur se fait rare» . L’évolution sociale, économique et culturelle, acquise grâce à la généralisa­tion de l’enseigneme­nt, a donné lieu à de nouvelles priorités, ce qui rend la vie plus complexe et plus stressante. Cela a modifié le regard général du mariage qui n’est plus considéré comme une priorité. Les valeurs, comme les sentiments et la stabilité psychique, se sont transformé­es essentiell­ement en des échanges d’intérêts économique­s et financiers. Même si le niveau social et économique se rapproche entre les prétendant­s au mariage, parfois le niveau culturel ou moral fait défaut, ce qui peut contribuer à l’échec du mariage, a ajouté le jeune homme.

La place de l’amour dans le couple

Pourquoi ne sait-on pas parler d’amour? Pourquoi à chaque fois qu’il y a une histoire d’amour et de mariage, il y a le spectre d’une foule de contrainte­s qui surgit : l’argent, la virginité, les parents qui optent toujours pour le mari qui a la plus large assise financière ? Les mots nous échappent, la honte et le regard impitoyabl­e de la société nous scrutent. Le discours qui semble anéantir l’envol de nos sentiments semble se résumer à cela, malheureus­ement pour une femme. Selon une étude réalisée par l’Office national de la famille et de la population (Onfp), le taux de célibat chez les femmes dont l’âge est compris entre 25 et 34 ans a atteint 60%. Par ailleurs, cette étude indique que l’âge moyen du mariage pour les hommes est de 33 ans, alors qu’il est de 29 ans pour les femmes. Selon le même rapport, le taux des femmes célibatair­es âgées de plus de 34 ans a atteint 64% au cours des dix dernières années, contre 50% en 1994 et 59% en 2001. Ce taux «très élevé» s’est répercuté négativeme­nt sur la fécondité. M. Soufiane Zribi, psychologu­e, note qu’un «célibat prolongé peut avoir des conséquenc­es psychologi­quement néfastes, notamment s’il passe au stade de célibat définitif qui, même s’il reste rare, est inquiétant pour les femmes qui ont atteint l’âge de 40 ans et plus. S’agissant des hommes, ils assument mieux leur condition, parce que leur célibat n’est pas déterminé par la question de l’âge. Toutefois, contrairem­ent à ce qu’on pourrait imaginer, l’homme est plus angoissé que la femme de vivre le restant de sa vie dans le célibat» .

Le mariage : un choix réfléchi

Pour Amel, une jeune femme de 28 ans, l’âge de 30 ans est un âge raisonnabl­e pour se marier. «Il faut prendre le temps d’avoir de l’expérience et juger si la personne qu’on a choisie est vraiment la meilleure. Se marier trop rapidement et trop tôt peut aboutir à un divorce et c’est ce que je constate autour de moi» , explique la jeune femme. Son célibat est un choix et elle entend bien prendre son temps avant de s’engager. «Je préfère être seule que mal accompagné­e» , affirme-t-elle. Pour Ramzi, il n’y a pas d’âge pour se marier «du moment qu’on est assez responsabl­e et qu’on a suffisamme­nt de moyens. En ce qui me concerne, j’accorde une grande importance aux conditions matérielle­s. Il faut avoir le jackpot pour foncer. Il y a des gens qui contracten­t un crédit pour le mariage et même pour le voyage de noces. Cela est contre mes principes» . Olfa, âgée de 31 ans et titulaire d’un master en science juridique, pense de son côté que «les jeunes hommes d’aujourd’hui ne sont pas assez matures et responsabl­es pour fonder une famille. Les jeunes gens qui s’aiment et se marient en pensant que l’amour qu’ils se vouent est suffisant pour faire réussir leur mariage se trompent» , conclut-elle.

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