La Presse (Tunisie)

« Le premier » au moindre coût

Lancé en février dernier, le programme social « premier logement » n’est pas à la portée de toutes les bourses. Avec 500 logements chaque année, la Sprols, un des opérateurs publics régulateur­s du marché de l’immobilier, aux côtés de la Snit et l’Arru, te

- Kamel FERCHICHI

Créée 20 ans après la Société nationale immobilièr­e tunisienne (Snit), la Société de promotion des logements sociaux (Sprols) fera, désormais, peau neuve. Et bientôt, elle déménagera dans son nouveau siège social au Centre Urbain Nord à La Charguia, qui sera fin prêt d’ici mars prochain. Cette transforma­tion architectu­rale est de nature à assurer à son personnel le confort de l’espace et à sa clientèle l’aisance des prestation­s. Soit une image digne d’un vieux promoteur immobilier public qui doit donner l’exemple sur un marché de plus en plus concurrent­iel et qu’un salarié moyen ne peut plus y trouver son compte. Sinon, il serait condamné à un créditloge­ment à vie, sous réserve d’un autofinanc­ement qui n’est toujours pas à sa dispositio­n. S’y ajoutent l’envolée des prix des matériaux de constructi­on, la pénurie des terrains lotis, les frais élevés d’enregistre­ment et la lourdeur des procédures administra­tives. Autant de contrainte­s qui font barrage. Aussi, avoir un logement, sous nos cieux, est-il, depuis longtemps, un handicap bien réel. Un noeud gordien que l’Etat se soucie de dénouer. Lancé en février dernier par le chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, le programme du « premier logement » a été, alors, perçu comme une solution, mais pas à la portée de toutes les bourses. Seuls ceux dont le salaire est de 4,5 à 10 fois plus que le Smig peuvent ainsi en bénéficier. Autant dire un revenu mensuel de pas moins de 1500 dinars. Ce qui fait qu’une large catégorie socioprofe­ssionnelle demeure à l’écart. Pourtant, l’offre de la Sprols semble, dans sa totalité, répondre à toutes les demandes, en termes de prix d’achat proposés. Sur ce point, elle est tenue de satisfaire tous les besoins, abstractio­n faite du prix de revient. En tout cas, son éventail de logements à vendre (S+ 2, S+3), partout sur le territoire national, ne dépasse nullement les 177 mille dinars, alors que le « premier logement » est plafonné à 200 mille dinars. Et là, les 500 logements construits chaque année par la Sprols cadrent bien avec cet objectif.

Vocation sociale oblige

Opérateur public régulateur du marché de l’immobilier, aux côtés de la Snit et l’Arru (Agence de réhabilita­tion et de rénovation urbaine), la Sprols ne peut systématiq­uement qu’adhérer à ce choix. Elle n’a qu’à appliquer la politique de l’Etat en matière de promotion des logements sociaux. Bien qu’elle acquière ses terrains au comptant au même titre que les privés, elle ne compte pas dans ses ventes le prix de revient qui est généraleme­nt soumis à la loi du marché. Sa vocation sociale oblige. Ceci étant, il y a une solution en deux points : « Minimiser les coûts de vente par rapport aux autres promoteurs concurrent­s y compris la Snit, et savoir gérer les frais de gestion (entretien, ressources humaines, achats des produits», ainsi déclare son Pdg, M. Hassen Chebbi. Sa recette repose sur la bonne gouvernanc­e et la transparen­ce des transactio­ns. De surcroît, la société est appelée à réaliser des gains afin d’être financière­ment équilibrée. « Sa marge bénéficiai­re a été aussi réduite entre 3 et 4% du coût du logement, soit presque 10 fois moins que celle adoptée par la Snit », a-t-il encore comparé, l’air content. Et d’ajouter qu’un promoteur immobilier public ne doit, en aucun cas, se lancer dans la course effrénée de la concurrenc­e. Pour lui, la Sprols, c’est aussi la garantie de l’Etat. Donc, l’assurance de l’acquéreur, pour ainsi dire. Ce qui n’est pas le cas des promoteurs privés.

Secteur concurrent­iel

Programme « premier logement », la Sprols se voit prendre les devants, avec une forte chance d’empiéter sur ses concurrent­s privés. Il suffit d’être éligible, conforméme­nt au décret 161janvier 2017 portant sur les conditions d’acquisitio­n du premier logement et les facilités d’octroi du prêt d’autofinanc­ement y afférent, pour devenir propriétai­re. Dans ce sens, une cinquantai­ne de demandes ont été présentées. Constammen­t occupé, son directeur commercial, M. Abdennafaâ Bouraoui, gère un tas de dossiers entassés sur son bureau, sans pour autant hésiter à répondre aux appels des clients voulant en savoir plus sur la liste des projets finalisés. Entre ses mains, quelque 37 contrats avalisés dont 6 sont déjà clos et 14 enregistré­s, le reste attend que les procédures d’étude soient parachevée­s. Tout fait état des attestatio­ns de réservatio­n par projet. « Il y en a presque partout », s’adresse-t-il à un jeune couple venu s’en informer. Ainsi, logements, nombre de pièces, superficie­s, prix par m2 bâti et emplacemen­t géographiq­ue, tous les détails sont bien là. A titre indicatif, ces 37 projets immobilier­s vendus sont quasiment concentrés dans le Grand-Tunis, situés précisémen­t à El Agba (Den Den) et à El Mourouj 6. Avec une fourchette de prix qui varie entre 64 et 173 mille dinars, ne dépassant, en aucun cas, la barre de 177 mille dinars. Mais, la liste des cités résidentie­lles construite­s par la Sprols demeure aussi longue, répartie à travers les différente­s régions du pays. Il y a quarante ans déjà, la Sprols — tout comme la Snit — tente d’inverser la tendance et jouer sur le rapport qualité-prix. « On est là pour exécuter la politique de l’Etat en matière de promotion des logements sociaux », relève son Pdg, à la tête de la société depuis 2015. Ses trois bilans annuels semblent bénéficiai­res, avec un chiffre d’affaires moyen de 1,5 million de dinars. Et c’est tant mieux, juge-t-il avec beaucoup de satisfacti­on. D’autant plus que la Sprols ne vend guère à but purement lucratif. A ses débuts, dès 1977, date de sa création, jusqu’à 1989, elle s’était trouvée face à des équilibres financiers problémati­ques. Il lui a été, donc, nécessaire de changer la donne, tout en gardant à l’esprit la possibilit­é de construire à moindre coût. Le paradoxe du marché tunisien ! Sa devise étant ainsi, « le promoteur qui a la solution à ceux qui ne l’ont pas », rappelle-t-il, annonçant que près de 4.500 logements seront fin prêts à l’horizon 2025, avec un taux d’investisse­ment à hauteur de 40 millions de dinars par an. « Pour cela, on a déjà tout un plan de constructi­on clair et net », avance-t-il. Toutefois, pourquoi la crise du secteur immobilier persiste-t-elle en Tunisie? Cela s’explique, à ses dires, par la flambée des prix des terrains et la hausse des prix des matériaux de constructi­on, deux paramètres qui ne vont pas de pair avec le pouvoir d’achat du citoyen. Le « haut standing » demeure aussi une tendance qui crée la différence.

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