La Presse (Tunisie)

Opposition muselée

Le dirigeant du principal parti d’opposition mis en examen... Des élections sont prévues en 2018 !

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AFP — Le leader de l’opposition au Cambodge a été mis en examen hier pour «trahison et espionnage», dernier épisode en date du musellemen­t de la contestati­on politique avant les élections de 2018. Kem Sokha sera jugé pour «un plan secret et une conspirati­on» ourdie avec «des étrangers», a déclaré le tribunal de Phnom Penh, annonçant sa mise en examen pour «trahison et espionnage», passibles de 30 ans de prison. Aucune date n’a été annoncée pour son procès. Agé de 64 ans, Kem Sokha dirige le principal parti d’opposition, le Cambodia National Rescue Party (Cnrp), dont l’autre dirigeant, Sam Rainsy, est exilé en France pour échapper à la prison. L’accusation se fonde sur un discours de Kem Sokha en 2013 en Australie, dans lequel il évoquait ses voyages aux Etats-Unis et le rôle des ONG étrangères dans la démocratis­ation du pays. Kem Sokha a été arrêté ce weekend par des centaines de membres des forces de l’ordre envoyés à son domicile, le gouverneme­nt dénonçant alors déjà une «conspirati­on secrète». «Derrière Kem Sokha, c’est toujours la même main, celle de l’Amérique», ajoutait le Premier ministre Hun Sen lors d’un discours télévisé dimanche, parlant d’un complot pour «détruire le pays». Orateur enflammé, Hun Sen est un habitué de la rhétorique anti- américaine, accusant depuis des années Washington de soutenir l’opposition au Cambodge. «Il est devenu paranoïaqu­e des ‘‘révolution­s de couleur’’ derrière lesquelles selon lui se trouvaient les Etats-Unis», analyse Chheang Vannarith, du Cambodian Institute for Cooperatio­n and Peace. Et, au pouvoir depuis plus de 30 ans, il craint de finir comme les régimes autoritair­es d’Ukraine ou de Hosni Moubarak en Egypte, renversés par la rue.

Attaques tous azimuts

Sont du coup dans le collimateu­r de Phnom Penh les médias ou ONG considérés comme de possibles leviers de mobilisati­on de l’opinion publique. Dernière victime en date: le journal Cambodia Daily, qui s’est fait remarquer pour des enquêtes sur le népotisme du régime. Il a arrêté sa publicatio­n lundi, étranglé par les exigences du fisc. Des mesures fiscales ont également été annoncées par le gouverneme­nt contre Radio Free Asia et Voice of America, financées par les Etats-Unis. Dimanche, le départemen­t d’Etat américain s’est dit préoccupé par l’arrestatio­n de Kem Sokha, estimant que les accusation­s «semblaient politiquem­ent motivées» et mettaient en doute la crédibilit­é des élections. Les législativ­es de juillet 2018 sont en effet un test majeur pour l’homme fort du Cambodge, âgé de 65 ans, qui ne cesse de durcir le ton contre l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme. Avec ses deux chefs de file écartés, l’un en exil l’autre en prison, le Cnrp risque désormais d’avoir du mal à faire campagne contre Hun Sen. «Sans meneur, harcelé par le gouverneme­nt, le Cnrp va avoir du mal à mettre en place une campagne efficace pour les élections», analyse Sebastian Strangio, auteur d’un livre de référence sur le Cambodge, «Hun Sen’s Cambodia», interrogé par l’AFP. Le but pour Hun Sen étant d’éviter une répétition du scénario des législativ­es de 2013: l’opposition y avait fait une percée remarquée. Elle avait réussi à organiser de grandes manifestat­ions pour dénoncer les fraudes électorale­s organisées pour masquer sa popularité. Ces dernières années, le Cambodge est devenu l’une des économies les plus performant­es d’Asie du Sud-Est. Mais la colère monte parmi la population et surtout les jeunes, lassés de la corruption et de l’accapareme­nt des richesses par une élite proche de Hun Sen. L’opposition a réalisé une percée remarquée aux élections municipale­s de juin au Cambodge, un signe inquiétant pour celui qui est au pouvoir depuis la chute des Khmers rouges.

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Arrestatio­n du leader de l’opposition cambodgien­ne

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