Du prestige de l’Etat
Quelle que soit la composition du nouveau gouvernement, la tâche qui l’attend est énorme. On en connaît les grands et petits dossiers: guerre contre le terrorisme, lutte contre la corruption et contre la contrebande, redressement de la situation socioéconomique, développement régional, évasion fiscale, etc. Le gouvernement précédent s’était consacré à ces problèmes, enregistrant quelques avancées encourageantes. Mais il est une donnée encore plus prioritaire que les priorités : ce gouvernement a besoin d’un large soutien pour avoir une chance de réussir, ne serait-ce qu’en partie. Le soutien de la classe politique, en particulier celui des signataires du Pacte de Carthage et des partis de la coalition gouvernementale. Mais là, Youssef Chahed va avoir à faire face à une vague de commentaires, de critiques, de mises en cause, voire de dénigrements ; et bien sûr aux réticences constatées sur certains dossiers. Durant les derniers mois de son gouvernement précédent, il avait été entreprenant, encouragé par le soutien et la confiance de la majorité de la population. Et c’est cela le plus déterminant car sans la confiance populaire, il lui sera difficile d’avoir l’adhésion et l’engagement populaires nécessaires à la réalisation de ses réformes et de ses décisions. Sans cette confiance, on aura ce qui s’est passé dans le sud : les décisions gouvernementales étaient jugées peu crédibles et les manifestations, sit-in, blocages avaient rapidement repris. Actuellement, les sondages révèlent le manque de confiance populaire avec plus de 83% de sondés qui estiment que « les choses vont dans la mauvaise direction ».
De fait, ce qui inquiète les Tunisiens et explique ce manque de confiance, c’est l’état général du pays et ce qui s’y passe au quotidien : amoncellement des ordures, incivilités, troubles et violence dans le sud, blocage de la production de phosphate et de pétrole, postes de police et de la garde nationale incendiés… Et face à tous ces méfaits, et ces défis lancés à son autorité, l’Etat est aux abonnés absents.
On rappelle ici des faits édifiants. La décision de Youssef Chahed, le 23 mai dernier, de lancer la campagne contre les barons de la contrebande et de la corruption a amélioré son image, lui a valu un regain notable de confiance et dissipé les doutes sur sa volonté de lutter contre ces deux fléaux qui pourrissent la vie politique et empêchent la reprise économique. Et en mai dernier, la décision du président de la République, Béji Caïd Essebsi, de confier à notre armée nationale la protection des sites de production, lui avait valu confiance et soutien. Ces deux faits avaient été salués et ont donné de l’espoir à la population. L’espoir de retrouver un Etat fort, capable de protéger la population et ses richesses et de garantir la primauté de la loi et de la justice. On rappellera, également, que le candidat à la présidentielle Caïd Essebsi avait promis le rétablissement de l’autorité et du prestige de l’Etat après son élection. Cela lui avait valu un soutien populaire notable.
Il faudra donc que le gouvernement s’attelle à cette tâche et réalise ces promesses: les Tunisiens veulent être confortés par un Etat fort, garant des libertés et de cette démocratie naissante.