Une pression qui fait l’affaire des marchands d’armes
Trump ouvre la voie à la militarisation du Japon et de la Corée du Sud
AFP — En poussant les alliés des Etats-Unis en Asie à acheter beaucoup plus d’armement américain sophistiqué, Donald Trump tente d’accentuer la pression sur Pyongyang et l’ensemble de la région. «J’autorise le Japon et la Corée du Sud à acheter un volume nettement supérieur d’équipement militaire ultrasophistiqué aux Etats-Unis», a tweeté mardi le président américain, dans un contexte de tensions exacerbées avec la Corée du Nord qui vient de procéder à son sixième essai nucléaire, le plus puissant à ce jour. Lundi, il avait également affirmé être prêt à approuver des ventes «pour des milliards de dollars» en équipements militaires et armements à la Corée du Sud, au cours d’un entretien téléphonique avec son homologue sud-coréen Moon Jae-In. M. Trump n’a pas précisé dans l’immédiat quels types d’armes seraient concernées et les ventes d’armes américaines à l’étranger suivent une procédure longue et complexe, contrôlée in fine par le Congrès et non la Maison-Blanche. Mais ses déclarations ouvrent la voie à une militarisation de la région, ce qui ne peut plaire à Pékin, principal allié de Pyongyang. Le déploiement cette année par les Etats-Unis de leur bouclier anti-missile Thaad en Corée du Sud a ainsi provoqué la colère de la Chine qui a demandé en mai sa suspension immédiate et affirmé qu’il entravait sa propre force de dissuasion. Or selon Roman Schweizer, un analyste du centre de recherche Cowen cité par la revue spécialisée Defense One, le Japon envisage lui aussi de se doter du bouclier Thaad ( Terminal High Altitude Area Defense), conçu pour intercepter et détruire des missiles balistiques de portées courte, moyenne et intermédiaire.
L’interception de missiles envisagée
Certains experts appellent les Etats- Unis et leurs alliés à détruire les futurs missiles nord- coréens. Une tentative d’interception «ferait peser sur la Corée du Nord le risque de défier les Etats- Unis et leurs alliés et de provoquer une escalade», ont estimé dans une note Evans Revere et Jonathan Pollack de la Brookings Institution. Séoul et Washington se sont aussi mis d’accord lundi pour supprimer la limite décidée en 2001 sur les charges utiles embarquées sur les missiles balistiques sud-coréens, limite alors fixée à 500 kilos. Selon Bruce Klingner, expert à la Heritage Foundation, la limite a été fixée à une tonne. Le ministre sud- coréen de la Défense a même estimé qu’il était temps de discuter d’un redéploiement d’armes nucléaires de moyenne portée en Corée du Sud, pour la première fois depuis les années 1990. Mais pour Jim Schoff, du Carnegie Endowment for International Peace, une telle manoeuvre exposerait au grand jour des armes qui sont actuellement dissimulées à bord de sousmarins ou ailleurs. «Pourquoi voudriez-vous retirer les têtes nucléaires de ces plateformes de lancement difficiles à déceler et les placer dans des bunkers avec écrit en grosses lettres ‘‘Viser ici’’», a-t-il déclaré à l’AFP. Les Etats-Unis ont vendu pour quelque 5 milliards de dollars de matériel militaire à Séoul entre 2010 et 2016, selon les calculs du Stockholm International Peace Research Institute. La Corée du Sud est le quatrième client de l’armement américain derrière l’Arabie saoudite, l’Australie et les Emirats arabes unis. De son côté, le Japon dépense environ 3 milliards de dollars par an en équipement militaire et systèmes de défense américains, selon Jim Schoff, expert au Carnegie Endowment for International Peace. Le plus gros de ce montant est destiné au futur chasseur bombardier F35 et aux drones de haute altitude Global Hawk. Tokyo pourrait être tenté d’acquérir le système de défense antimissile Aegis Ashore, une version sol-air du système d’armement naval Aegis, qui met en oeuvre des radars et des missiles anti-navire et anti-aérien. Le Japon dispose déjà de batteries Patriot, qui peuvent intercepter des missiles à basse altitude, et de missiles SM- 3 capables de détruire des missiles balistiques de courte à moyenne portée à haute altitude.