«Je suis revenu en Tunisie pour le plaisir»
Soliste accompagnant l’Orchestre symphonique tunisien le 12 août dernier au festival d’El Jem, Christophe Denoth, guitariste classique suisse mondialement connu et reconnu, a joué en solo le 17 août au Fort Ghazi-Mustapha à Djerba. Ses rencontres avec les
Vous avez été au centre d’une série de récitals cet été. Comment ont été organisés ces événements musicaux ?
J’ai été invité en décembre dernier par l’association Aloès les amis de Hamadi Chérif à présenter un spectacle en compagnie du quatuor tunisien Cadence, lors de la soirée de remise du Prix Aloès à l’Acropolium de Carthage. J’ai beaucoup aimé travailler avec les artistes tunisiens et apprécié la qualité du public présent ce soir-là. J’ai alors demandé à l’association Aloès s’il y avait moyen de revenir en Tunisie en vue d’autres échanges artistiques. L’ambassade de Suisse a rendu possible le récital d’El Jem en me mettant en contact avec le chef Hafedh Makni, qui dirige l’Orchestre symphonique tunisien. Nous avons choisi ensemble le répertoire que je devais interpréter. Le concerto de Aranjuez s’est imposé de luimême à cause du lien de la Tunisie avec cette pièce espagnole qui a des racines arabes et séfarades. Je suis revenu en Tunisie pour le plaisir. Le plaisir de collaborer avec des artistes très réceptifs. L’histoire de ce pays explique le sens de l’ouverture des Tunisiens : toutes les influences, notamment européennes qui se croisent ici, sont bien perceptibles et tellement enrichissantes, y compris pour l’artiste suisse que je suis.
A Djerba, vous avez présenté un concert à l’ancien fort GhaziMustapha. Quels rapports un musicien peut-il avoir avec le lieu où il va se produire ?
Dans ce site magnifique, qu’est le fort espagnol Ghazi-Mustapha, il est presque naturel de jouer une musique d’origine ibérique. C’est ce que j’ai fait pour nouer des connexions avec le lieu. En général, avant de me produire dans n’importe quel espace, je m’enquiers aussi du public, de ses goûts et de ses préférences. Tout l’art consiste ici à faire partager ensemble, à travers un répertoire spécifique, la transcendance de la musique.
Justement, par quelle alchimie un musicien arrive-t-il à toucher le coeur du public, même s’il porte une culture différente de celle de son auditoire ?
Le tempo et le rythme justes donnent en général une bonne musique. Ce n’est pas la technique qui doit primer, mais les émotions. Non pas des émotions narcissiques, mais plutôt celles émanant de la beauté de la musique. Il s’agit ici de résonance et non pas de projection. C’est justement ce que je voudrais communiquer aux jeunes musiciens tunisiens de l’Orchestre symphonique. En plus de les inciter à acquérir une culture quant à l’histoire de la musique classique, ses écoles et ses concepts.
Reviendrez-vous encore en Tunisie ?
Oui. Nous avons d’ailleurs un projet avec l’association Aloès les amis de Hamadi Chérif pour organiser un master class l’année prochaine à Djerba, à l’intention des jeunes musiciens. J’aime la Tunisie : tout n’y est pas parfait. Mais il y a de la créativité dans l’air et les musiciens portent un grand potentiel.
Propos recueillis par Olfa BELHASSINE