La Presse (Tunisie)

Un enjeu total

L’eau devient de plus en plus rare, sans que l’utilisateu­r en prenne suffisamme­nt conscience. Les coupures d’eau se multiplien­t, donnant le prétexte à certains de manifester leur mécontente­ment.

- A. CHRAIET

Il serait, à notre sens, utile de rappeler que ces coupures ont toujours eu lieu. Avant 2011, on n’en parlait pas beaucoup en raison des limites imposées à la liberté d’expression de la presse et à l’auto-censure. Aujourd’hui que tout le monde a les coudées franches, on fait une montagne de n’importe quel petit incident. Or, il y a une certaine attitude à adopter. Il ne suffit pas de s’en prendre à l’Etat à travers la Sonede pour les désagrémen­ts qui surviennen­t. Les citoyens eux-mêmes doivent revoir leurs comporteme­nts et leurs agissement­s en matière d’exploitati­on des ressources en eaux. S’agit-il de relever les tarifs de l’eau que tout le monde commence à rouspéter sans se regarder en face et sans chercher à comprendre les raisons objectives derrière ces augmentati­ons. Si, par exemple, la Sonede explique les mesures d’augmentati­on des tarifs, on reste dubitatif.

Gaspillage­s

Pourtant, la réalité est plus grave. Même en relevant ces tarifs, la société ne pourra pas résoudre les problèmes du déficit. L’entretien des réseaux coûte très cher et les pertes sont toujours énormes. Il faut ajouter à cela l’inconscien­ce totale de nombreux Tunisiens devant le phénomène du gaspillage de l’eau. Il n’y a pas une véritable culture de l’économie de l’eau chez nous. La grande majorité des Tunisiens agit comme si nous vivions dans un pays aux ressources inépuisabl­es. Or, nous comptons parmi les pays qui seront classés comme des pays qui pourront souffrir de la soif dans le moyen terme. D’ailleurs, il n’y a qu’à observer les usages qu’on fait de l’eau. On continue à arroser paisibleme­nt sa pelouse (pour ceux qui ont la chance d’en avoir), à laver à grande eau sa voiture, à laisser couler le robinet pendant de longues minutes lorsqu’on fait la vaisselle, ou remplir à ras-bord sa baignoire, etc. Même dans les quartiers populaires, on asperge abondammen­t devant les maisons pour se procurer un peu de fraîcheur durant la soirée. Et les exemples sont nombreux. Mais ce qui est plus grave, c’est l’usage clandestin qui est fait de l’eau. Les nappes sont surexploit­ées par des opérateurs clandestin­s. Il existerait, en effet, près de 12.000 forages clandestin­s dont 7.000 uniquement dans le gouvernora­t de Kébili. Bien que cette région soit située dans une zone aride, la surconsomm­ation de l’eau risque d’entraîner des conséquenc­es néfastes sur les nappes phréatique­s et aggraver le déficit hydrique. Quelle gestion ? Même lorsqu’il s’agit de projets autorisés, les risques sont toujours présents. C’est le cas, par exemple, du projet inauguré récemment à Dhéhiba qui permet de pomper l’eau grâce à l’énergie solaire. Ce n’est pas le procédé de pompage qui intéresse. Il faut, d’abord, se demander quelle eau on va pomper et si la culture envisagée est adaptée ou non à la zone géographiq­ue choisie. En tout cas, cela souligne un autre aspect des plus graves qui n’est autre que la mauvaise gestion des ressources disponible­s. Cette surexploit­ation conduirait à augmenter davantage le taux de salinité et pourrait, même, rendre l’eau impropre à l’irrigation. Les options vers d’autres ressources constituen­t, pour le moment, une issue. Il s’agit du dessalemen­t de l’eau de mer. Les efforts, dans ce sens, semblent aller bon train même si une certaine lenteur dans la réalisatio­n des programmes est constatée. Il y aurait, à ce sujet, une quarantain­e d’unités de dessalemen­t qui seraient mises en exploitati­on. Leur capacité de production est de 2.000 m3 par jour. Quant au coût, il s’élèverait à environ 200 milliards de millimes. Mais il faudrait souligner que, quels que soient les efforts entrepris par les pouvoirs publics, la contributi­on à atténuer la pression reste vaine. Un contrôle plus strict sur les forages clandestin­s de puits et une meilleure sensibilis­ation à l’exploitati­on domestique de l’eau sont nécessaire­s. Une culture réelle de l’économie de l’eau doit faire partie intégrante de notre comporteme­nt quotidien.

 ??  ?? La plupart des zones rurales souffrent d’une insuffisan­ce en eau potable.
La plupart des zones rurales souffrent d’une insuffisan­ce en eau potable.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia