Mon enfant autiste
Ayant émigré en Angleterre à l’issue de son mariage, Thouraya D.K., maman d’un enfant autiste, n’a jamais abandonné son combat face à la maladie. La mobilisation sociale pour l’autisme y est très forte et celle-ci ne se limite pas à se manifester durant l
A la veille de la rentrée scolaire, une ressortissante tunisienne vivant en Angleterre depuis 2002, Mme Thouraya D.K., a bien voulu témoigner de son expérience personnelle dans une conversation téléphonique avec La Presse depuis Northampton, une ville de 200.000 habitants, située à 108 km au nord de Londres, capitale du Royaume-Uni. Cette maman du jeune Hamza, autiste, âgé de neuf ans et l’aîné de deux soeurs, est une mère de famille dévouée car elle a sacrifié son parcours universitaire pour se consacrer pleinement à ses enfants. Elle réside au pays de la Tamise et le décrit comme une «véritable démocratie où les gens cultivent leurs différences sans porter de jugements les uns sur les autres, sur l’apparence vestimentaire, la couleur de peau jaune ou noire, celle des cheveux bleus ou roses».
«Très bon en lecture»
«Mon enfant autiste a une forte énergie. Il a neuf ans, ne parle pas, mais quand il me dit maman, c’est le plus beau des cadeaux. N’ayant plus de vie de couple, il veut tout le temps dormir à côté de moi. Il communique avec le langage des signes lorsqu’il désire s’exprimer. Il est très bon en lecture et en mathématiques mais pas en écriture. D’ailleurs, il n’écrit pratiquement rien mais a cette capacité à compenser ce manque avec la tablette électronique ou le Smartphone». « Durant des années, je me suis cloîtrée chez moi, recluse, ne voulant plus sortir de la chambre. J’y ai longtemps gardé mon enfant contre moi au détriment de mon mari et de mes deux adorables filles, Emna et Nour. J’ai beaucoup grossi par rapport à ma silhouette de jeune mariée. J’adore les enfants, j’en voudrais même un quatrième mais le risque d’avoir un nouvel enfant autiste m’a contrainte à abandonner un tel projet». Il s’avère que de nombreuses voisines ont un enfant autiste qui étudie dans une école spéciale pour les élèves âgés entre 4 et 19 ans et qui présentent des difficultés d’apprentissage. Ces derniers bénéficient d’un suivi particulier adapté à leur handicap qui leur permet d’acquérir les connaissances et les apprentissage de base. «Nous avons la chance de vivre ici. Je pense que si j’étais restée en Tunisie, mon fils n’aurait probablement pas eu l’opportunité d’être pris en charge scolairement dans une structure spécialisée. En émigrant vers l’Angleterre je savais pertinemment qu’avoir un enfant malade ne serait pas un drame car les struc- tures qui existent ici vous font oublier votre solitude. On se sent bien accompagné face à la maladie. En Tunisie, des progrès restent à faire en termes de prise en charge. L’Angleterre fait désormais mieux que la France sur ce plan. Il faut également souligner que le regard des autres, ici, est moins dur vis-à-vis des enfants différents et qui présentent des difficultés d’apprentissage, de dialogue, de parole, de communication. Ils sont bien pris en charge et bien encadrés» Et d’ajouter: «Ici, pratiquement dans chaque famille, il y aurait un enfant autiste. J’ai une amie indienne de confession musulmane habitant près de chez moi qui est mère de sept enfants, dont l’un est autiste. Quand elle monte en voiture pour les accompagner chacun, elle garde le sourire. Quel courage alors même que son fils autiste est très violent. Il lui a récemment fracturé le nez après lui avoir porté un vilain coup !». Une chaîne de mères courage s’est constituée. Cellesci n’ont de cesse de vouloir rendre meilleure la vie sociale de leur progéniture. Une solidarité maternelle qui peut offrir à chacune d’elles une famille équilibrée et épanouie, les aider à surmonter les vicissitudes de la vie et le regard des autres. Aimer, c’est tout simplement partager.
Mohamed Salem KECHICHE