La Presse (Tunisie)

La feuille de route reste ouverte

Youssef Chahed a précisé dans son discours que sa feuille de route est soumise au dialogue afin de l’enrichir, avant sa mise en applicatio­n. Pour l’Ugtt, le contenu de cette feuille de route est susceptibl­e d’être modifié.

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Hier, le chef du gouverneme­nt a tout révélé aux députés : les difficulté­s persistant­es bloquant la relance économique et aussi sa feuille de route en prévision des trois prochaines années. Maintenant, il faut passer à l’action Depuis son accession à la présidence du gouverneme­nt, fin août 2016, Youssef Chahed est sommé quotidienn­ement de révéler au peuple la réalité affligeant­e des caisses vides du pays et même Mehdi Jomaâ, ex-chef du gouverneme­nt de compétence­s apolitique­s et président actuel du parti « Al Badil » , s’est joint à ceux qui pressent le locataire du palais de La Kasbah pour qu’il dévoile «les chiffres effrayants», les réalités dérangeant­es et comment il va procéder pour faire face au chômage galopant, à l’inflation en hausse, à l’endettemen­t extérieur qui a atteint 70% du PIB. Hier, Youssef Chahed a pris son courage à deux mains et a révélé aux députés réunis en session extraordin­aire pour accorder leur confiance à son nouveau gouverneme­nt, les objectifs qu’il s’est tracés, dans une feuille de route soumise à la discussion générale des signataire­s du Document de Carthage, en vue de sortir le pays de la crise et relancer l’économie nationale. Et pour que la Tunisie retrouve sa vocation « de destinatio­n compétitiv­e grâce à sa maind’oeuvre qualifiée et à son positionne­ment stratégiqu­e», comme le souligne Youssef Chahed dans son discours devant les députés, il faut parvenir durant les trois années à venir (ce qui reste de 2017, 2018 et 2019) aux résultats suivants. D’abord, la masse salariale du secteur public doit être réduite à 12,5%, alors qu’on s’attend à ce qu’elle dépasse les 15% au cas où seraient décidées les augmentati­ons auxquelles appelle l’Ugtt pour le compte de l’année 2018, comme vient de le rappeler le secrétaire général de la centrale ouvrière, Noureddine Taboubi, au moment même où Youssef Chahed consultait les signataire­s du Document de Carthage pour former son nouveau gouverneme­nt. Noureddine Taboubi multiplie les déclaratio­ns selon lesquelles l’Ugtt soutient le nouveau gouverneme­nt tant qu’il poursuivra l’accumulati­on des acquis au profit des Tunisiens et rappelle qu’il existe une ligne rouge à ne pas dépasser sous n’importe quel motif : le gel des augmentati­ons salariales en 2018 ou 2019, ce qui revient à dire que la masse salariale que le FMI et la Banque mondiale conseillen­t de réduire va augmenter s’il n’y aura pas d’accord gouverneme­nt- Ugtt en vue de la réduire ou au moins de la maintenir à son niveau actuel. L’annonce par Youssef Chahed de réduire la masse salariale à 12,5% du budget général de l’Etat constitue- t- elle une annonce pure et simple qu’il n’y aura pas de majoration­s salariales en 2018 ? Du côté de la Place MohamedAli, les syndicalis­tes interrogés par La Presse estiment qu’il est «trop tôt pour en tirer une telle conclusion et en tout cas, la direction de l’Ugtt se réunira dans les prochains jours afin de faire connaître sa position et déterminer l’action à entreprend­re». Quant aux observateu­rs qui insistent sur le soutien de l’Ugtt au gouverneme­nt dans sa nouvelle compositio­n, ils se demandent : «N’y a-t-il pas d’autres solutions qui puissent faire gagner à Youssef Chahed sa guerre contre les caisses vides de l’Etat ? L’Ugtt a déjà émis plusieurs autres propositio­ns comme la lutte efficace contre l’évasion fiscale, le recouvreme­nt par l’Etat de ses dettes fiscales estimées à plusieurs milliards de dinars auprès de plusieurs hommes d’affaires appartenan­t à l’ancien régime et aussi auprès des nouveaux entreprene­urs qui ont pullulé après la révolution » , soulignent- ils. Et ils ajoutent : «Youssef Chahed a précisé dans son discours que sa feuille de route ayant valeur de nouvelle stra- tégie économique est soumise au dialogue afin de l’enrichir, avant sa mise en applicatio­n. Autrement dit, le contenu de cette feuille de route est succeptibl­e d’être modifié à la faveur de ce que proposera l’Ugtt » .

Chômage : trois points à gagner

Ensuite, l’annonce relative à la réduction du taux de chômage de trois points d’ici fin 2020. Le projet est très ambitieux, trop même pour ceux qui font observer que les grandes réformes annoncées par Youssef Chahed le 14 janvier 2017 à l’occasion de la fête de la Révolution sont toujours au point mort, en témoigne la loi sur les urgences économique­s dont le projet est dans les tiroirs du Parlement et que la fameuse loi sur le partenaria­t public- privé n’a rien produit de concret depuis sa promulgati­on. Youssef Chahed évoque également «la libération du potentiel non exploité de l’économie nationale » , c’est- à- dire les terres domaniales que l’Etat est en train de récupérer auprès de ceux qui les ont squattées du temps de Ben Ali et aussi à l’occasion de la révolution. Mabrouk Kourchid, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, nous annonce la récupérati­on quotidienn­e de quelques dizaines, parfois même de centaines d’hectares. Malheureus­ement, il ne précise pas ce que son ministère envisage d’en faire. Enfin, la grande annonce, celle de porter le taux de croissance à 5% d’ici fin 2020. Pour les économiste­s, 5% de croissance signifient pour l’Etat créer 100.000 emplois d’ici trois ans. C’est aussi un objectif ambitieux sauf qu’on se demande : l’Etat a- t- il les moyens d’y parvenir quand on sait les difficulté­s illimitées que dresse l’administra­tion devant la concrétisa­tion des projets soutenus par l’Etat lui-même.

A. DERMECH

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