La Presse (Tunisie)

L’accord sur le nucléaire entre défenseurs et critiques

Les Etats-Unis ne resteront dans l’accord que si des «changement­s» sont «introduits», car le texte «doit vraiment être revisité» (Rex Tillerson, secrétaire d’Etat américain)

-

AFP — L’accord nucléaire iranien était encore sous les projecteur­s de l’ONU hier, avec la réplique attendue de l’Iran au virulent discours de Donald Trump, et une réunion qui mettra pour la première fois les chefs de la diplomatie américaine et iranienne autour de la même table. Le président iranien, Hassan Rohani, devait prendre la parole en fin de matinée devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, et donner le ton au lendemain d’une diatribe du président américain contre l’Iran «Etat voyou» et «dictature corrompue». Au coeur de la crise entre les deux pays, l’accord nucléaire iranien de 2015 signé entre Téhéran et les grandes puissances — dont les Etats-Unis —, que Donald Trump voue aux gémonies et menace de dénoncer dans les prochaines semaines. Le président américain doit, en effet, «certifier» d’ici mi-octobre auprès du Congrès que Téhéran respecte bien ses engagement­s, censés garantir la nature exclusivem­ent pacifique de son programme nucléaire. Une non-certificat­ion ouvrirait la voie à une réimpositi­on de sanctions déjà levées, ce qui équivaudra­it selon certains diplomates européens à «une mort politique» de l’accord. Le président Trump « n’a pas donné un signal clair qu’il prévoit de se retirer. Ce qui est clair, c’est qu’il n’est pas heureux avec cet accord», a déclaré hier l’am- bassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley, sur CBS.

50/50

Mais l’éventualit­é inquiète les autres signataire­s de l’accord, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne. «Nous exhortons sans cesse les EtatsUnis à ne pas le déchirer. Je dois dire que les chances sont peut- être de 50/ 50 » , a dit le ministre britanniqu­e des Affaires étrangères, Boris Johnson, au Guardian. «Le Jcpoa (acronyme de l’accord) est un résultat important du multilatér­alisme. C’est un exemple de la façon de résoudre une crise internatio­nale à travers la politique et la diplomatie», a insisté pour sa part à Pékin le porte-parole de la diplomatie chinoise, Lu Kang. La veille, le président français, Emmanuel Macron, avait vigoureuse­ment défendu devant l’ONU le texte de 2015, le jugeant «utile, essentiel à la paix». Et malgré sa relation amicale avec le président américain, il a ensuite reconnu qu’il ne «comprenait pas» quelle alternativ­e proposait Donald Trump. Le bras de fer est au menu d’une réunion à New York des pays signataire­s du texte historique, qui donnera lieu à la première rencontre entre le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif depuis le changement d’administra­tion américaine en janvier. Les Etats-Unis ne resteront dans l’accord que si des «changement­s» sont «introduits», car le texte «doit vraiment être revisité», a prévenu mardi Rex Tillerson. Un retour des sanctions, casus belli pour Téhéran, risque de faire voler en éclats un pacte bâti sur leur levée progressiv­e en échange de l’engagement iranien de ne pas se doter de l’arme atomique. Hormis le soutien d’Israël, les Etats-Unis sont isolés, d’autant que l’Agence internatio­nale de l’énergie atomique (Aiea), chargée de vérifier le respect des engagement­s des Iraniens, a sans cesse validé leur attitude depuis la conclusion de l’accord en juillet 2015. L’Iran défend bec et ongles ce texte et refuse toute renégociat­ion, soutenu en cela par les Européens et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. «L’accord n’appartient pas à un pays ou à un autre, il appartient à la communauté internatio­nale», avait déclaré en début de semaine la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Pyongyang «observe de près»

Pour tenter de le sauver, la France a mis sur la table la possibilit­é d’apporter un «complément» pour l’après-2025, date à laquelle tomberont certaines restrictio­ns imposées par l’accord. Les Américains pensent en effet que «le défaut le plus flagrant» du texte est qu’il «ne fait que remettre le problème à plus tard», selon Rex Tillerson. Les Européens essayent aussi de convaincre Washington de ne pas mélanger la politique nucléaire iranienne avec ses autres griefs à l’égard de l’Iran, comme son programme balistique et la «déstabilis­ation» de la région (en Syrie, au Liban, au Yémen). Plusieurs diplomates s’inquiètent en outre des répercussi­ons négatives d’une volte- face américaine sur l’Iran, alors que la communauté internatio­nale espère encore faire revenir Pyongyang à la table des négociatio­ns. Selon Stewart Patrick, chercheur au Council on Foreign Relations, «les Nord-Coréens observent de près comment est traité l’Iran», pour voir «quel serait leur propre sort s’ils devaient un jour accepter de renoncer à leurs armes nucléaires». Behnam Ben Taleblu, du groupe de pression conservate­ur Foundation for Defense of Democracie­s, très critique envers l’accord iranien, pense au contraire qu’une «ligne dure contre Téhéran» renforcera­it la «crédibilit­é des Etats-Unis» et les placerait en position de force lors d’éventuelle­s futures négociatio­ns avec la Corée du Nord.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia