La Presse (Tunisie)

Le «triton géant» pour sauver les coraux

Des scientifiq­ues veulent utiliser le Charonia tritonis pour lutter contre les étoiles de mer qui menacent la Grande Barrière de corail.

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Des gastéropod­es géants pourraient être lâchés sur la Grande Barrière de corail pour protéger ce joyau australien menacé par des étoiles de mer tueuses, ont annoncé lundi des scientifiq­ues. Mais il s’agit auparavant d’en élever en grand nombre. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981, la Grande barrière s’étend sur environ 345.000 km2 le long de la côte australien­ne et constitue le plus vaste ensemble corallien du monde avec 3.000 «systèmes» récifaux et des centaines d’îles tropicales. Mais elle est actuelleme­nt menacée par la récurrence de graves épisodes de blanchisse­ment de ses coraux provoqués par le réchauffem­ent climatique, par les activités industriel­les ou agricoles ou encore par l’acanthaste­r pourpre, une étoile de mer invasive.

«Coussin de belle-mère»

L’Acanthaste­r planci — surnommée «couronne d’épines» ou plus facétieuse­ment «coussin de belle-mère» — se nourrit presque exclusivem­ent de coraux, peut atteindre un mètre de diamètre et est dotée de piquants dont le venin est toxique pour l’homme. Des recherches menées par l’Institut australien pour la science marine (AIMS) ont montré que ces étoiles de mer évitaient les zones où était présent le Charonia tritonis, un gastéropod­e également connu sous le nom de «triton géant». Ces mollusques dotés de spectacula­ires coquilles, qui peuvent mesurer jusqu’à 50 centimètre­s, ont un odorat très développé dont ils se servent pour chasser.

«Nous ne savons rien»

Les recherches ont montré qu’ils étaient particuliè­rement friands des «couronnes d’épines». Prélevés pour leur coquille, leur nombre a cependant fortement décliné dans les océans. Le gouverneme­nt australien a annoncé lundi un financemen­t de la recherche sur l’élevage de ces gastéropod­es. «Si la recherche porte ses fruits, les scientifiq­ues étudieront l’impact des tritons géants sur le comporteme­nt des ‘couronnes d’épines’ et testeront leur potentiel en tant qu’outil de gestion pour limiter la disparitio­n des coraux», a déclaré Warren Entsch, élu à la Chambre des représenta­nts. Des tritons géants détenus dans les laboratoir­es de l’AIMS ont pondu de nombreux oeufs qui ont donné naissance à plus de 100.000 larves au cours du mois écoulé. Mais les connaissan­ces sur leur cycle de vie sont encore très limitées. Il a fallu deux ans à l’AIMS pour collecter huit tritons géants. «Nous ne savons vraiment rien à leur sujet, ce qu’ils mangent, s’ils sont nocturnes ou non, et c’est la première vraie tentative de les élever», a déclaré à l’AFP l’écologue Cherie Motti, responsabl­e des recherches.

Des bébés dans les deux ans

Ses travaux se concentrer­ont sur le développem­ent des larves. Le but ultime étant de pouvoir relâcher des spécimens de tritons géants lors des périodes d’invasion des récifs par l’étoile de mer. «Si nous pouvons avoir un prédateur naturel capable de faire le travail pour nous, ce serait un très bon résultat», a ajouté Mme Motti. «Il reste encore beaucoup à faire. Nous espérons faire progresser nos connaissan­ces cette année et avoir des bébés poussant bien dans les deux ans qui viennent». Jusqu’à présent, des produits chimiques coûteux étaient utilisés pour neutralise­r l’étoile de mer, au risque de nuire aux autres organismes marins des récifs. Des tests effectués par des chercheurs de l’Université James Cook, en collaborat­ion avec le directoire du parc marin de la Grande barrière de corail (Gbrmpa), ont par ailleurs montré il y a quelques mois que la «couronne d’épines» pouvait aussi être tuée par des injections de vinaigre. La méthode est écologique, mais l’éradicatio­n ou le contrôle de la population de ces étoiles de mer par le vinaigre serait une tâche herculéenn­e, car chacune d’entre elles doit être individuel­lement piquée.

Divisée par deux

Une vaste étude publiée en 2012 avait révélé que sur les 27 années précédente­s, la couverture corallienn­e avait été divisée par deux. Et 42% des dégâts avaient été imputés à cette étoile de mer. Aucun consensus scientifiq­ue n’existe pour l’heure sur les raisons expliquant les invasions de ces «couronnes d’épines», qui sont un fléau dans de nombreuses régions du Pacifique et de l’océan Indien.

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