La Presse (Tunisie)

Les Etats-Unis ont de «gros problèmes avec l’accord»

D’ici le 15 octobre, si Trump refuse de «certifier», il ouvrira la voie à une réimpositi­on de sanctions : «une mort politique» de l’accord, selon des diplomates

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D’ici le 15 octobre, si Trump refuse de «certifier», il ouvrira la voie à une réimpositi­on de sanctions : «une mort politique» de l’accord, selon des diplomates

AFP — Les signataire­s de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien se sont retrouvés mercredi dans une ambiance tendue à l’ONU, pour la première fois depuis l’élection de Donald Trump, sans parvenir à sortir de l’impasse provoquée par la menace américaine de dénoncer le texte. Dans un climat rendu plus explosif chaque jour par les déclaratio­ns incendiair­es du président américain contre l’Iran, les chefs de la diplomatie américaine Rex Tillerson et iranienne Mohammad Javad Zarif se sont retrouvés dans la même pièce pour la première fois. Avec eux, les autres signataire­s de l’accord historique de Vienne: Russie, Chine, GrandeBret­agne, France et Allemagne. La réunion, qui a duré plus d’une heure, a été «difficile» , selon une source européenne, selon qui MM. Tillerson et Zarif ont eu des «échanges directs» assez longs. « Le ton était très concret, il n’y a pas eu de cris, nous ne nous sommes pas lancés des chaussures dessus», a assuré le secrétaire d’État américain, jugeant « utile d’entendre» le point de vue des autres parties. Tous les partenaire­s de l’Iran dans l’accord nucléaire, «à l’exception d’un pays ( les EtatsUnis), ont insisté sur la nécessité de respecter totalement (le texte) ainsi que sur le fait que celui-ci est non négociable et que toutes les parties restent engagées en faveur de cette réussite internatio­nale», a réagi M. Zarif à la télévision publique iranienne, depuis New York. La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui préside la commission du suivi, a souligné à l’issue de la rencontre que tous les participan­ts étaient tombés «d’accord pour juger que le texte est jusqu’ici respecté par tous». «L’accord fonctionne», a-t-elle martelé. «Nous avons déjà une crise nucléaire, nous n’avons pas besoin d’une deuxième», a-t-elle ajouté, en référence à la Corée du Nord, au coeur des angoisses internatio­nales. Le texte de 2015 impose de strictes restrictio­ns au programme nucléaire iranien, en échange d’une levée des sanctions, et l’Agence internatio­nale de l’Énergie atomique (AIEA) a estimé à plusieurs reprises que Téhéran respectait ses engagement­s.

«Mort politique»

Mais Donald Trump, qui voue aux gémonies ce texte, «l’une des pires transactio­ns dans laquelle les États-Unis soient jamais entrés», menace de le dénoncer. D’ici le 15 octobre, il doit en effet «certifier » devant le Congrès américain que Téhéran respecte ses engagement­s. S’il ne le fait pas, il rouvrira la voie à une réimpositi­on de sanctions pourtant levées dans le cadre du texte, et sa décision équivaudra­it à «une mort politique» de l’accord, selon des diplomates. La réunion de mercredi n’a pas permis de lever le doute sur les intentions américaine­s: «Nous n’avons pas de visibilité réelle sur ce que sera leur décision», selon la source européenne. Les déclaratio­ns qui ont suivi la réunion n’incitent pas à l’optimisme: les États-Unis «ont de gros problèmes» avec l’accord, a confirmé Rex Tillerson. Pour tenter d’amadouer les Américains, l’idée de rouvrir des discussion­s sur certaines des échéances de l’accord ainsi que sur des sujets annexes, comme le rôle de l’Iran au Moyen-Orient, est soulevée par certains, dont le président français Emmanuel Macron. L’accord nucléaire n’est pas «suffisant», compte tenu de «la pression croissante que l’Iran exerce dans la région » , a- t- il déclaré mercredi. Le président français a aussi cité «l’activité accrue de l’Iran sur le plan balistique» (un volet qui ne fait pas partie de l’accord de 2015) qui selon lui pourrait donner lieu à de nouvelles sanctions. Il faudra aussi «ouvrir une discussion sur l’après 2025», date à laquelle tomberont les premières restrictio­ns sur le programme nucléaire iranien. Cette échéance, «inacceptab­le» pour le président Trump, est prévue par l’accord de 2015, qui couvre en tout une période de 25 ans. Des diplomates français ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas de «renégocier» l’accord mais de le «compléter».

Pyongyang «observe de près»

Mais le président iranien, Hassan Rohani, présent à l’Assemblée générale de l’ONU, a douché les espoirs de réouvertur­e des débats: discuter avec un gouverneme­nt américain qui choisirait de «bafouer ses engagement­s internatio­naux» serait une « perte de temps » , a- t- il prévenu. Selon lui, «chaque mot de chaque moindre phrase» de l’accord nucléaire a déjà été âprement négocié par les signataire­s et «retirer une seule brique ferait s’effondrer tout l’édifice». La cheffe de la diplomatie européenne a elle aussi été très claire: nul besoin de «renégocier» l’accord. «Il y a d’autres sujets en dehors de ce que couvre cet accord et ces sujets peuvent être discutés dans d’autres enceintes», par exemple au niveau bilatéral, a-t-elle affirmé. Plusieurs diplomates s’inquiètent en outre des répercussi­ons négatives d’une volte-face américaine sur l’Iran, alors que la communauté internatio­nale espère encore faire revenir la Corée du Nord à la table des négociatio­ns pour lui faire renoncer à ses propres ambitions nucléaires. Selon Stewart Patrick, chercheur au Council on Foreign Relations, «les Nord-Coréens observent de près comment est traité l’Iran » , pour voir «quel serait leur propre sort s’ils devaient un jour accepter de renoncer à leurs armes nucléaires». Behnam Ben Taleblu, du groupe de pression conservate­ur Foundation for Defense of Democracie­s, très critique envers l’accord iranien, pense au contraire qu’une « ligne dure contre Téhéran » renforcera­it la «crédibilit­é des États-Unis» et les placerait en position de force lors d’éventuelle­s futures négociatio­ns avec la Corée du Nord.

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