Préserver la santé des Tunisiens
La guerre anticorruption et anticontrebande n’est pas à remporter en coffrant uniquement les gros poissons. Elle consiste aussi en la préservation de la sécurité alimentaire du citoyen, à stopper la profusion de commercialisation des produits de consommat
Quand Chafik Jarraya, Yacine Chennoufi et d’autres visages du monde des affaires ont été écroués, les Tunisiens ont poussé un ouf de soulagement et ont compris que la guerre tant promise contre la corruption et la contrebande a effectivement commencé et que le gouvernement Youssef Chahed est, enfin, passé à l’action. Plus encore, certains sont allés jusqu’à affirmer qu’il faut désormais parler de la Tunisie d’avant le 23 mai 2017 et de la Tunisie d’après le 23 mai 2017, date de la grande opération sécuritaire qui a permis de mettre à l’ombre «l’homme qui faisait et défaisait les gouvernements à sa guise». Quand Youssef Chahed a débarqué à l’improviste au port de Radès et a décidé de démettre de leurs fonctions 35 hauts cadres de la douane et a ordonné que les conteneurs soient désormais fouillés de fond en comble pour qu’on sache ce qu’ils contiennent effectivement, s’est répandu parmi l’opinion publique un sentiment de satisfaction selon lequel on a, enfin, localisé le nid de la corruption et de la contrebande et que la guerre anticorruption est à gagner, d’abord, au sein du port de Radès, à l’instar de ce qui se passe dans tous les grands ports du monde où le pouvoir effectif est entre les mains des corrupteurs et des douaniers à leur solde. Quand de hauts responsables sécuritraires ont été virés ou désignés dans d’autres postes de moindre importance, on a eu aussi l’impression que Youssef Chahed était convaincu qu’il faut assainir la grande bâtisse grise de l’avenue Habib-Bourguiba afin que la guerre anticorruption et anticontrebande puisse aboutir. Malheureusement, moins de quatre mois après le déclenchement de ces deux guerres nationales, voire saintes, les apôtres de la corruption et de la contrebande continuent à agir comme bon leur semble. Et ce ne sont pas les deux années de prison infligés à Wachouacha à Kébili pour trafic de 80 fusils de chasse (jugé en état de liberté et se trouvant actuellement en état de fuite) qui vont les dissuader pour arrêter leurs activités. De son côté, Youssef Chahed continue de promettre aux Tunisiens que la guerre anticorruption et que la traque des contrebandiers et de ceux parmi les agents de la douane et de la sécurité qui leur ouvrent les voies les plus difficiles se poursuivra sans répit et que personne n’échappera à la justice. En parallèle, ouverture médiatique oblige, les services sécuritaires et douaniers et les directions régionales et aussi centrale du contrôle économique rivalisent en nous fournissant quotidiennement des chiffres qui font froid dans le dos sur ce qu’ils saisissent en tant que produits alimentaires périmés, cigarettes et boissons alcoolisées destinés au marché parallèle, en tant que devises étrangères à acheminer aux trafiquants sur les frontières avec la Libye ou l’Algérie, médicaments subventionnés et introuvables dans les hôpitaux publics ou dans les cliniques privées et même en tant que fournitures scolaires compensées. Et à lire les communiqués publiés régulièrement par les autorités régionales ou même locales outre les indiscrétions livrées par un chef de poste de police ou de la garde nationale dans une petite ville du Nord ou du Sud du pays (pour les quartiers huppés de Tunis, ce sont Facebook et les réseaux sociaux qui publient tout, photos à l’appui), on a l’impression que gagner la guerre contre la contrebande ou la corruption est encore un rêve ou une ambition et qu’il faut des années pour y parvenir.
Enfin, on pense à la coordination
Quand un agent de la douane se permet de transporter dans sa voiture particulière la somme de 1,5 million de dinars pour les remettre à un contrebandier en contrepartie d’une commission de 500 dinars, quand 430 tonnes de pommes de terre sont découvertes stockées dans des conditions antihygiéniques et quand des restaurants de renommée utilisent de la viande avariée, l’on peut dire qu’on n’a pas besoin uniquement de police environnementale et de police fiscale, mais bien de milliers de policiers qui seront chargés de tout surveiller jour et nuit, de prendre les sanctions sur le vif et de ne plus dresser de procès-verbaux destinés le plus souvent aux tiroirs sur intervention d’un haut responsable quelconque. Hier, quatre ministres dépositaires de la sécurité alimentaire des Tunisiens ( l’Intérieur, le Commerce, la Santé et l’Agriculture) ont pris leur courage à deux mains pour crier halte aux menaces qui guettent la santé des citoyens du fait de la profusion de la commercialisation de produits alimentaires de base destinés à la destruction. Et on a décidé que le contrôle sera encore plus sévère et que les sanctions ne se limiteront pas à la fermeture des restaurants et des points de vente fautifs. On attend la concrétisation des décisions prises. Notre ambition est que «le sommet à huis clos qui a groupé Lotfi Brahem, Samir Taïeb, Amor Béhi et Slim Chaker et qui a exclu l’organisation de défense du consommateur ne soit pas une réunion comme les autres».