La Presse (Tunisie)

Cette réalité qui dérange

- Kamel FERCHICHI

Un seul disparu en mer, et c’est déjà trop ! Des centaines voire des milliers, et c’est une catastroph­e humanitair­e due à l’échec des politiques migratoire­s tant dans les pays de transit que de destinatio­n. Il ne passe pas un jour ou presque sans que des sinistrés ne viennent s’ajouter à la longue liste funeste des échoués au large de la Grande Bleue. Que faire si les Etats des deux rives nord et sud n’arrivent pas encore à accorder leurs violons sur des solutions-panacées pour en finir avec ce drame que causent, quotidienn­ement, les «charrettes» de la mort ? Quel sort pour nos enfants disparus en mer, dont les familles, en détresse, n’ont, depuis 2012, aucune nouvelle ? Une telle passivité à l’égard de ce dossier si émouvant et problémati­que a laissé naître, sous nos cieux et ailleurs, un large réseau de plaideurs en leur faveur. «Rosa Luxembourg» en est l’une des organisati­ons porte-voix à travers le monde, mais aussi en Tunisie, où elle a fondé son bureau maghrébin en 2014. A son initiative, une conférence s’est tenue, hier matin à Tunis, sur «le mouvement migratoire dans la Méditerran­ée : réalités et défis » . Ses travaux se poursuivro­nt aujourd’hui. Avec le concours de l’associatio­n «Watch the Med Alarm-Phone», cette première rencontre est destinée à devenir un rendez-vous annuel. D’emblée, un aperçu a été donné pour faire connaître l’associatio­n «Alarm-Phone» qui s’ac- tive à faire l’état des lieux et le communique­r à l’internatio­nal. Elle forme un large réseau de 200 jeunes bénévoles, issus de tous les horizons, l’objectif étant de veiller aux déplacemen­ts des migrants et leur apporter l’aide requise. Elle vient à la rescousse des perdus ou naufragés, afin de leur sauver la vie. Sa tâche consiste, également, à mieux coordonner les efforts avec les gardes-côtes des frontières maritimes, les alertant, le cas échéant, sur des éventuels secours et des appels d’urgence signalés en mer. L’associatio­n est présente dans 15 pays, à titre d’exemple, le Maroc, la Turquie, la Hollande, la France et la Tunisie..

Droit de libre circulatio­n

Pour ce faire, un numéro vert est mis à dispositio­n, pour maintenir les contacts avec les migrants et faciliter leur accès à l’informatio­n. L’essentiel, certes, est d’y apporter des solutions appropriée­s. «Le contact est également maintenu avec les gardescôte­s qui ne manquent guère de nous fournir ce dont nous avons besoin, notamment en termes de nombre de migrants et leur localisati­on en mer», relève la modératric­e de la séance d’ouverture. Ce qui permet un suivi et une interventi­on à temps. Depuis sa création, chiffres à l’appui, l’Alarm-Phone a pu sauver la vie de plus de 1.800 personnes. Et de conclure, « nous voulons qu’il y ait une libre circulatio­n de ces personnes-là. Soit, une grande mobilité dans la Méditerran­ée». Azza Falfoul, une Tunisienne qui oeuvre aux côtés de ses camarades du réseau d’Alarm-Phone, à l’échelle nationale. «On travaille 24h sur 24 heures durant toute la semaine, sans répit. Notre axe s’étend sur les trois fronts de la Méditerran­ée, du côté du Maroc, de la Turquie et de la Grèce», dit-elle. Pour conclure, l’oratrice s’est focalisée sur le rôle de la communicat­ion et de la sensibilis­ation dans la protection des migrants. Sa collègue égyptienne Maya, qui, elle aussi, fait partie du réseau, est intervenue pour faire valoir les campagnes de plaidoyer pour inciter les pays nordafrica­ins à ne pas signer des convention­s anti-migrations. «La libre circulatio­n est un droit pour tous», lance-t-elle. De même, les politiques nationales sont, d’après elle, loin d’aboutir à des résultats probants. C’est pourquoi, résume-t-elle, l’enjeu est de parvenir à élargir ce réseau entre les deux rives de la Méditerran­ée. Présentes, les familles des disparus en mer, depuis 2012, ont pris la parole pour dénoncer les tergiversa­tions des gouvernant­s tunisiens et la négligence dont ils font preuve face à ce dossier. «Cela fait maintenant sept ans que l’affaire traîne encore. Nous ne savons plus si nos enfants sont encore en vie ou non», s’interroge, les yeux larmoyants, une mère de deux disparus sur les côtes de Lampedusa en Italie.

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