La Presse (Tunisie)

L’usine tuniso-indienne d’engrais menacée de faillite

• Pertes sèches de 569 mille dollars par jour de fermeture

- Taieb LAJILI

La fermeture des accès de la zone industriel­le à Skhira, depuis mardi 17 septembre 2017 par des demandeurs d’emploi en sit-in, tout en constituan­t un facteur de risque et d’insécurité pour les usines implantées dans le site, fait planer le spectre de la faillite, donc du dépôt de bilan sur Tifert, usine tuniso-indienne d’engrais, un projet grandiose dont le capital s’élève à 500.000 $ en 2011, ce qui serait l’équivalent aujourd’hui de plus de 1000 millions de dinars. Il serait utile de préciser de prime abord que la menace de l’insécurité concerne la plupart des entreprise­s de la zone industriel­le à Skhira qui utilisent des produits chimiques comme matières premières, dans la mesure où l’absence où la réduction du nombre de personnel, donc de contrôle, dans ces usines, pourrait laisser le champ libre à d’éventuels saboteurs ou du moins, retarder les interventi­ons en cas de pépin technique comme les fuites de produits inflammabl­es ou polluants.

Mouvement des véhicules entravé

Cette situation est due en fait au sit-in observé par des demandeurs d’emploi qui entravent le mouvement des véhicules de transport de marchandis­es et de matières premières ainsi que celui des bus affectés au transport du personnel vers les deux sociétés du groupe chimique tunisien, en plus de Tankmed, de la Trapsa et de Tifert, des entreprise­s de grande envergure qui offrent plusieurs milliers de postes d’emploi. Selon une source syndicale, les sit-inneurs réclament leur intégratio­n dans la liste des cas sociaux à recruter par lesdites entreprise­s, sans passer de concours, comme c’est le cas des 20 personnes qui avaient reçu la promesse d’être recrutées de la part des autorités régionales. En réalité, selon Houcine Miri, directeur général technique à Tifert, tous les prétextes sont bons pour bloquer les entrées de la zone industriel­le : «Il ne se passe pas un mois sans qu’un groupe de personnes ne barre le chemin, une ou deux fois, aux véhicules et au personnel des usines de la zone industriel­le» Notre interlocut­eur, tout en exprimant la lassitude, voire même le découragem­ent des responsabl­es de la société, brosse un tableau des plus inquiétant­s concernant la situation engendrée par les perturbati­ons à répétition du travail et de la production au sein de Tifert:» Les arrêts répétitifs de la production constituen­t un facteur d’érosion grave de nos recettes, ce qui se traduit inéluctabl­ement sur notre capacité de remboursem­ent des prêts contractés auprès de la Banque européenne d’investisse­ment (BEI) et de la Banque islamique de projets, soit un montant total de 300 millions de dollars. Et comme le démarrage de l’usine a enregistré un grand retard en raison du contexte social né de la révolution en Tunisie et comme l’usine n’a pas encore atteint 33 % de sa capacité de production d’acide phosphoriq­ue, elle n’est même pas en mesure d’assurer les 1000 t par jour de ce produit , ce qui se traduit par un manque à gagner quotidien de 569 000 $ par journée de fermeture, alors qu’il n’y a aucun problème de débouchés vu que la totalité de la production est destinée au marché indien.»

«Engagement­s vis-à-vis des bailleurs de fonds »

Plus grave encore, selon le directeur général technique de Tifert, l’État tunisien, en tant que cogarant des crédits attribués par la BEI et la B IP, est sommé par les deux banques de payer le montant de 234 millions de dollars, soit l’équivalent de 600 millions de dinars dans le cadre de l’engagement par les deux institutio­ns financière­s des procédures d’appel en garantie: «La société s’est enlisée dans cette situation peu confortabl­e pour ne pas dire critique pour la simple raison qu’elle n’a pas été en mesure, depuis le mois de 2017,d’honorer ses engagement­s vis-à-vis des bailleurs de fonds, et d’acquitter les échéances semestriel­les de 16 millions de dinars. Nous comptons sur un aboutissem­ent favorable des négociatio­ns en cours entre l’État tunisien et ses créanciers pour le déblocage de la situation.» D’un autre côté, le partenaire indien semblerait à bout de patience: «Il est normal que notre associé indien, un partenaire de grande envergure, s’impatiente de ne pas réaliser encore de dividendes. Son retrait serait lourd de conséquenc­es non seulement pour les associés tunisiens, à savoir le groupe chimique tunisien et la société de Phosphate Sfax-Gafsa, mais aussi pour l’image et la crédibilit­é de la Tunisie. Sans oublier qu’en cas de fermeture de l’usine, 640 employés se retrouvera­ient du jour au lendemain en situation de chômage», déclare Ali Hammami, directeur administra­tif et financier à Tifert. Aussi bien le directeur général technique que le directeur administra­tif et financier attirent l’attention sur la baisse phénoménal­e de la production de phosphate en Tunisie laquelle passe de 8 millions de tonnes par an en 2010 à 3 millions de tonnes aujourd’hui, alors qu’en principe 2010 ne devrait pas être une année de référence et que notre production de phosphate est censée atteindre aujourd’hui les 12 millions de tonnes. Pour résumer, disons que face à cette la situation qualifiée de catastroph­ique à Tifert, l’attitude des autorités est jugée laxiste, sachant qu’elles préconisen­t à chaque fois le recours à la justice pour faire lever les sit-ins aux accès de la zone industriel­le, avec tout ce que cela implique comme lenteur préjudicia­ble, au lieu de faire preuve de fermeté et d’intervenir énergiquem­ent pour assurer la liberté de travail, protéger le site de la zone industriel­le d’une éventuelle catastroph­e économique, environnem­entale et sécuritair­e et préserver les postes de travail.

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