Le «supportérisme»
Il est temps de favoriser la mise en place d’un système d’avertissements graduels et de sanctions éducatives, d’un cadre clair et légal pour la liberté d’expression dans les gradins et l’inclusion des supporters dans la préparation des matches…
Al’occasion des matches de coupes d’Afrique accueillis dans l’arène de Radès, le gouverneur de Ben Arous a pris une mesure administrative qui interdit à 213 supporters l’accès aux sites sportifs du gouvernorat. Il s’agit à ne point douter d’une mesure destinée à réprimer et à éliminer les «pseudo-supporters» qui gangrèneraient le football tunisien. Pour faire face à la violence dans les stades, les pays considérés comme étant les grandes nations de football ont eu recours à des procédures différentes. Le modèle allemand est, par exemple, centré sur la prévention et le dialogue avec les supporters, la répression étant réservée aux actes de violence les plus graves. Parallèlement à cette politique apaisée et efficace, l’Allemagne connaît le meilleur taux de remplissage des stades et l’une des meilleures ambiances d’Europe. D’autres pays n’ont pas hésité, au contraire, à s’intégrer dans l’urgence de réprimer et éliminer les «pseudo-supporters». En dépit des tentatives répétées pour éradiquer la violence, le dialogue n’est toujours pas amorcé dans le football tunisien. Le fait est cependant là : on assiste aujourd’hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté vers les débordements. Beaucoup de jeunes supporters associent avec imprécision le football à la violence et s’en font un prétexte, voire des fois une raison. Le profil du supporter d’aujourd’hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l’ambiance dans les gradins, le soutien indéfectible et inconditionnel à son équipe. Le phénomène de la violence dans nos stades a pris, ces dernières années, une ampleur telle qu’il devient plus qu’urgent de s’y pencher sérieusement et de faire face aux abus et aux débordements devenus incontrôlables. Presque à chaque match, on enregistre des actes de violence et des excès qui vont au-delà de ce qui est permis. Il faudrait cependant reconnaître que ces actes d’absolution et de décharge commis par les supporters impliquent des causes, des enjeux et des degrés de gravité variés. La violence dans nos stades perdure et se conserve. L’autorité de tutelle et les responsables sportifs doivent prendre au sérieux le phénomène de la violence qui guette nos stades. La nécessité d’un dialogue constructif avec les supporters est la pierre angulaire de cette stratégie pour endiguer les débordements de tout genre. Il est temps de favoriser la mise en place d’un système d’avertissements graduels et de sanctions éducatives, d’un cadre clair et légal pour la liberté d’expression dans les gradins et l’inclusion des supporters dans la préparation des matches. Le hooliganisme n’est-il pas essentiellement la conséquence de problèmes sociaux, économiques et politiques ? De chômage, de manque de moyens de loisirs et d’évasion ? Le stade n’est-il pas devenu, de ce fait, la seule place où les jeunes peuvent s’exprimer et extérioriser leur désarroi? Quand le supporter a une vision ambiguë du sport, la violence devient une vision assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance de l’amour du club, de la définition du sport.