La Presse (Tunisie)

Place à la stérilisat­ion et à la vaccinatio­n

L’abattage des chiens errants ne résout point le problème et ne permet aucunement la gestion et la maîtrise du développem­ent de la race canine.

- D.B.S.

Dans les quartiers chics tout comme dans ceux populaires, les concitoyen­s dénigrent la présence des chiens errants. Ces derniers sont considérés comme étant dangereux car ils sont les principaux transmette­urs du virus de la rage. Cette maladie incurable et fatale échappe, jusqu’à nos jours, à toute prévention. Seule la réduction en nombre de la race canine apporte ce sentiment de sécurité aux habitants, adultes et enfants. Pour les parties de tutelle, l’unique solution de vigueur consiste, par conséquent, à effectuer des campagnes périodique­s d’abattage ; une solution qui, outre sa cruauté, demeure une solution de facilité voire de l’ici-maintenant. Inefficace­s, ces massacres inhumains sont loin de résoudre le problème. Dans les pays occidentau­x, lesquels sont indéniable­ment les pionniers en matière de protection animale grâce à l’engagement de la société civile et d’une législatio­n pro-animale en évolution, ce problème a fait l’objet de concertati­ons fructueuse­s entre les parties de tutelle et le tissu associatif. Des mesures ont été établies et respectées afin de maîtriser le développem­ent de la race canine, de réduire significat­ivement le risque pandémique de la rage et d’apporter à ces animaux — lesquels font partie de notre écosystème — des solutions adaptées à leur protection et à la préservati­on de leur race. En Tunisie, la société civile investie dans la cause de protection animale peine à imposer son avis pourtant salutaire. L’associatio­n SOS Animaux de Tunisie soufflera prochainem­ent sa dixième bougie sans pour autant se féliciter d’avoir réussi à changer les mentalités. «Le problème de la gestion de la population canine est un problème complexe. Pour le résoudre, il faudrait intervenir sur le plan législatif, associatif, institutio­nnel et s’ouvrir sur des réseautage­s internatio­naux à même de donner le coup de pouce escompté », indique Mme Raoudha Mansour, vétérinair­e et présidente-fondatrice de l’associatio­n.

L’abattage contre une pandémie de la rage

En effet, le premier maillon de la chaîne qui devrait être renforcé est celui relatif à la stérilisat­ion des femelles. Ce serait le point de départ de toute une réforme. Ce n’est qu’en stérilisan­t les femelles que l’on parviendra, infaillibl­ement, à réduire la population canine. «A quoi sert-il de tuer un millier de chiens errants alors qu’un millier d’autres chiens naissent au même moment ! Si chaque maître procède à la stérilisat­ion des femelles, il y aura beaucoup moins de chiots délaissés dans la nature, et donc, moins de chiens errants» , souligne la spécialist­e. Pour ce, la sensibilis­ation ne suffit pas à convaincre les particulie­rs. La présidente de l’associatio­n appelle vivement à l’instaurati­on d’une batterie de lois imposant la stérilisat­ion des femelles. Quant à l’abattage des chiens errants, il devrait être limité mais à une condition unique : la déclaratio­n confirmée d’une zone pandémique de la rage ; une condition qui devrait, aussi, figurer noir sur blanc dans la législatio­n. A ce premier maillon de la chaîne d’interventi­on, succède un deuxième. La stérilisat­ion et la vaccinatio­n des chiens errants semblent être les facettes d’une solution inaccessib­le, impensable même, en raison de leurs coûts faramineux. Pourtant, l’OMS a signifié sa dispositio­n à soutenir des plans similaires afin de mieux gérer la race canine et faire face à la rage d’une manière plus efficiente. «Reste à savoir comment sera dispatchée l’action. Qui se chargera de ramener les chiens errants ? Comment ces chiens vont-ils être identifiés puis tatoués ?» , s’interroge-t-elle, perplexe. De son côté, l’associatio­n a examiné, au préalable, la possibilit­é de mener une action similaire en collaborat­ion avec une ONG internatio­nale. Un plan qui a été contesté par des vétérinair­es tunisiens. La présence de vétérinair­es étrangers a été refusée par excès d’orgueil.

L’indispensa­ble réseautage

Encore faut-il rappeler que la stérilisat­ion, la vaccinatio­n et le marquage des chiens errants devraient anticiper sur la création de centres de refuge pour ces animaux. Or, l’Etat ne peut, seul, assumer cette responsabi­lité. D’où l’impératif de mieux conjuguer les efforts et de collaborer avec la société civile, tant locale qu’internatio­nale, afin d’instaurer cette solution, conforméme­nt aux exigences réelles mais aussi aux normes internatio­nales. « Soutenir la société civile dans ce combat s’impose. Nous nous activons, en effet, en vue d’apporter aux animaux la sécurité et les besoins élémentair­es à leur survie. Toutefois, nos efforts sont, dans la majorité des cas, contrecarr­és par une mentalité stérile et neutralisa­nte. D’autant plus que, poursuit Mme Mansour, nous sommes contraints à nous soumettre à des lois affligeant­es» . Elle rappelle que les associatio­ns de bienfaisan­ce sont soumises à la même réglementa­tion fiscale que les autres ONG. «Pourtant, nous peinons à collecter les dons pour permettre à nos population­s-cibles respective­s de vivre décemment» , renchérite­lle. Elle souligne, aussi, que plusieurs associatif­s oeuvrant pour la protection des animaux ont jeté l’éponge, démotivés qu’ils sont par tant de négligence et de découragem­ent. La présidente de l’associatio­n saisit l’occasion pour montrer du doigt tous les dérapages qui caractéris­ent la gestion de la population canine ainsi que la traite des animaux. Elle s’indigne de constater les dépassemen­ts qui sont perpétués au marché des animaux à la place Moncef Bey à Tunis. «Ce souk, outre les atrocités qu’on y observe, est dépourvu de tout service vétérinair­e à même d’examiner l’état de santé des animaux proposés à la vente. Une lacune qui devrait être comblée pour le bien et des animaux et des humains », ajoute-t-elle.

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La vaccinatio­n des chiens errants : une alternativ­e envisagée afin d’éviter de les éliminer

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