La Presse (Tunisie)

Merkel se veut rassurante

La droite nationalis­te se déchire au lendemain de son succès

- Grogne conservatr­ice

AFP — Victorieus­e mais affaiblie par un score électoral décevant, Angela Merkel a promis de trouver une majorité stable de gouverneme­nt et de récupérer les électeurs qui en masse ont choisi l’AfD, un parti dérivant vers l’extrême droite. «Tous les partis qui sont à nos yeux compatible­s pour une coalition ont une responsabi­lité pour permettre l’émergence d’un gouverneme­nt stable», a-t-elle dit au lendemain du score historique­ment bas de 33% de sa famille politique conservatr­ice. A l’issue d’une réunion de l’étatmajor de son parti, la CDU, elle a souligné qu’elle chercherai­t le dialogue avec les libéraux du FDP, les Verts et les sociaux-démocrates du SPD. Ces futurs pourparler­s s’annoncent très compliqués : laminé et au plus bas depuis 1945, le SPD (20,5%) a annoncé vouloir se ressourcer dans l’opposition après quatre ans passés à gouverner avec Mme Merkel. Il ne reste sur le papier qu’une solution majoritair­e: une alliance inédite au niveau national réunissant la CDU-CSU, les Libéraux du FDP, qui reviennent au Bundestag avec 10,7%, et les Verts, qui ont atteint 8,9%. Cette coalition, dite «Jamaïque» — référence aux couleurs noir-jaunevert des trois partis — n’existe actuelleme­nt qu’au niveau régional, dans le petit État nordique du Schleswig-Holstein. Et seulement depuis le printemps. Problème, ces Verts et Libéraux s’opposent sur des dossiers aussi divers que stratégiqu­es comme l’émigration, l’avenir du diesel, la réforme de l’Europe, la sortie du charbon ou la fiscalité. Ils ont aussi chacun des désaccords de fond avec les conservate­urs.

Les négociatio­ns pourraient donc prendre des mois, d’autant que la Constituti­on ne prévoit aucun délai pour former un gouverneme­nt. Depuis les premières élections d’après-guerre en 1949, le parti vainqueur a toujours réussi à former une majorité. Et la chancelièr­e a exclu un gouverneme­nt minoritair­e. Ce n’est qu’après l’officialis­ation d’une nouvelle coalition que Mme Merkel pourra formelleme­nt être désignée chancelièr­e une quatrième fois. Autrement, de nouvelles élections pourraient être convoquées. Autre défi et non des moindres, répondre à la contestati­on au sein de la famille conservatr­ice, en particulie­r les Bavarois de la CSU, qui militent depuis deux ans pour que Mme Merkel entame un virage à droite, notamment sur la question de l’émigration. Car une partie de l’électorat conservate­ur — un million de personnes selon les sondages — a rejoint l’Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD). Ce mouvement antiislam, anti-migrants, anti-euro et anti-élite entre pour la première fois au Bundestag (12,6% des voix) en faisant du rejet de l’accueil massif des demandeurs d’asile décidé par la chancelièr­e en 2015 son grand cheval de bataille. «Nous avons délaissé notre flanc droit et il nous appartient à présent de combler le vide avec des positions tranchées», a lâché le chef de la CSU, Horst Seehofer. «La consternat­ion règne dans les rangs conservate­urs et la principale responsabl­e est toute désignée», a estimé hier le quotidien de centre gauche Süddeutsch­e Zeitung. Mais Mme Merkel a refusé de faire un mea culpa hier. Si elle a reconnu avoir souhaité un meilleur score, elle note que la CDU-CSU arrive première 12 points devant le SPD, une victoire sans appel. Sa décision en 2015 d’ouvrir les frontières aux demandeurs d’asile ? La «bonne», même si cela a créé «une polarisati­on liée à ma personne». «Nous allons regagner les électeurs (partis à l’AfD) en faisant de la bonne politique (...) en trouvant des solutions aux problèmes», a-t-elle dit. L’AfD a construit son succès en prenant pour modèles le nationalis­me débridé et les dérapages du président américain Donald Trump ou des partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le pire du passé

Ce succès a été obtenu au prix d’une radicalisa­tion du discours du mouvement, avec des propos révisionni­stes sur le nazisme, de violentes attaques contre Angela Merkel, ou contre les musulmans. Bonne nouvelle pour la chancelièr­e, les contradict­ions internes à l’AfD et les divisions autour de la ligne toujours plus extrémiste du parti ont éclaté au grand jour dès hier. Une des dirigeante­s de l’Alternativ­e, qui fut jusqu’en début d’année sa figure de proue, Frauke Petry, a créé la surprise en annonçant qu’elle refusait de siéger avec l’AfD à la chambre des députés. Elle s’en est pris notamment à l’un des deux chefs de file de la campagne, Alexander Gauland, qui a annoncé juste après les élections que l’AfD, forte de son succès, allait mener «la chasse» à Angela Merkel. Il a aussi récemment créé la polémique en appelant à être fier des performanc­es des soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale. L’entrée d’un tel parti dans la chambre des députés est un vrai choc pour de nombreux Allemands, l’identité d’après-guerre reposant justement sur la lutte contre les extrêmes, la quête du compromis et la repentance pour les crimes du IIIe Reich. Le Congrès juif mondial a qualifié l’AfD de «mouvement réactionna­ire honteux qui rappelle le pire du passé» de l’Allemagne.

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Angela Merkel lors d’une conférence de presse à Berlin au siège de son parti conservate­ur CDU (démocrates-chrétiens)

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