Une déambulation artistique inédite et décalée
6 spectacles de 20 minutes chacun, donnés indifféremment à l’intérieur ou à l’extérieur, dans des lieux d’habitation ou de travail aimablement prêtés par leurs propriétaires.
Plus d’une trentaine de personnes: des étrangers vivant en Tunisie, des Tunisiens et des invités organisateurs du même événement étaient au rendez-vous, samedi dernier à 17h00, devant le parc de loisirs de La Marsa. Ils sont accueillis par Selim Ben Safia, chef de projet de cette manifestation et ses collaborateurs, pancartes à la main sur lesquelles sont indiqués «Hors Lits hashtag 7» ainsi que le programme de la randonnée. Les spectateurs sont donc invités à déambuler dans un quartier de Marsa-Ville pour découvrir 6 spectacles de 20 minutes chacun, donnés indifféremment à l’intérieur ou à l’extérieur, dans des lieux d’habitation ou de travail aimablement prêtés par leurs propriétaires. Direction Palais Abdellia. Dans la cour, les spectateurs occupent des rangées de chaises. Raphaëlle Bouvier et Maxime Potard de Horts Lits d’Aix-en-Provence et Marseille commencent leurs lectures insur- rectionnelles et électroniques. La performance a tout l’air d’une dramatique radiophonique. Des bruits de tambour accompagnent les lectures de poèmes qui sont des messages codés, adressés entre autres aux présidents des pays. Le public un peu déstabilisé tente de décrypter ces lectures codées.
Une balade guidée
Après 20 minutes, on passe dans la pièce à côté; assis sur un tapis à même le sol, les participants assistent à un essai visuel, sonore et physique d’artistes : Alliet Cos- set, Guillaume Loiseau, Deborah Repetto Andipani d’Aix-en-Provence et Wael Marghni et Céline Naji de Tunisie. Intitulé «Demain je pars», le spectacle a lieu dans l’obscurité et traite, comme son titre l’indique, du sujet de départ et de la rencontre avec l’autre. Des images projetées sur le mur de quai de trains avec comme fond sonore le bruit des rails. Puis, le danseur Wael Marghni entreprend une danse contemporaine sur cette idée de départ. Dans une autre pièce, nous attend le musicien tunisien Hédi Fahem. Muni de sa guitare électrique, l’artiste, élu meilleur guitariste dans la compétition internationale «Yamaha e-band competition», propose une performance en solo inédite, conçue spécialement pour cet événement et qui a pour titre «Homework». L’assistance enthousiaste a salué vivement la performance de l’artiste. On quitte la Abdellia pour rejoindre Aurélie Turlet et François Ceccaldi de Horts lits Montpellier et Cévennes aux locaux de Propaganda Productions. L’espace est exigu, mais les spectateurs se serrent pour assister à cette performance intitulée «Tel que c’est parti». Avec leur costume noir et blanc, les performeurs s’amusent à distiller des phrases, des ponctuations pas toujours terminées avec en arrière-fond une musique de clavier qui claque. Des mots inutiles, abstraits auxquels les spectateurs donneront le sens qu’ils voudront, applaudissements et salutations, puis direction Dar Ben Zakkour.
Le maître au salon
Au salon, Leonardo Montecchia, l’initiateur de l’événement Hors Lits, aidé par Matthieu Sparma de Hors Lits Paris-Lyon, fait des grimaces qui déclenchent les éclats de rire des enfants présents. Pourtant, le sujet ne s’y prête pas. «Vix» (Young forever) parle de vieillesse et de mort. Le performeur préfère aborder la question avec humour. Des portraits de lui, jeune et moins jeune, sont projetés sur le mur tout au long du spectacle. L’exercice est réussi et vaut les ovations nourries du public. La randonnée se termine en beauté dans les jardins d’un autre local de Propaganda. Assise sur le gazon, l’assistance savoure les airs de musique du duo francotunisien Dhamma. «Warm Live», tel est le titre proposé pour ce spectacle qui est un pot-pourri de musique électronique, pop anglaise, trip hop, rock, musique arabe accompagnant un chant où l’improvisation prend une grande place. Plus de 2 heures de déambulation durant lesquelles les présents ont profité de moments agréables et de performances inhabituelles. «Hors Lits» a été créé il y a dix ans à Montpellier par le danseur et chorégraphe argentin Leonardo Montecchia (de la Compagnie La Mentira), le musicien François Ceccaldi et le plasticien-chanteurcostumier Nicolas Marquet.
Evolution du concept
L’événement Hors Lits consistait à l’origine en une balade guidée d’appartement en appartement pour découvrir 4 performances (souvent transdisciplinaires, mêlant danse, théâtre, musique, lectures…) réalisées dans des lits. Depuis, le concept a évolué : les performances ne se déroulent plus dans des lits, l’exercice étant trop contraignant. Ailleurs, «Hors Lits» est organisé par des artistes, sans aucune subvention, les «performeurs» se répartissent les recettes des entrées (dix euros par spectateur). Chaque performance est une carte blanche donnée à un ou plusieurs artistes. Les organisateurs n’ont pas de droit de regard dessus et découvrent les mini-spectacles le soir de la répétition générale. Les spectateurs sont au plus près des artistes, et sont parfois même invités à se joindre à eux ou à participer, d’une manière ou d’une autre, aux performances. Le concept s’est élargi dans plusieurs pays créant un grand réseau d’artistes. En Tunisie, la participation des spectateurs est gratuite. Une aide est, toutefois, accordée cette année par l’Institut Français de Tunis (IFT). Auparavant, «Hors Lits» a été organisé à la Médina de Tunis, La Goulette, Sidi Bou Saïd et au Kef. Une initiative à saluer et à encourager. Un grand merci à l’équipe d’organisation pour son accueil et sa motivation.